Fête de Marie, mère de l’Église

Lundi 20 mai 2024, Sanctuaire de Rocamadour

Homélie de Mgr Laurent Camiade :

Mes frères,

Nous célébrons Marie mère de l’Église. Cela veut dire que nous comptons sur elle, sur son intercession, sur sa bonté, sur l’attention qu’elle nous porte, comme des enfants comptent sur leur maman.

Dans notre société malade, on ne sait peut-être plus suffisamment valoriser ce que c’est que d’être mère. L’idéologie de la libération de la femme a voulu éviter de réduire la femme à sa fonction maternelle. Mais la maternité n’est pas d’abord une fonction. C’est une relation.

Sans la mère, il n’y aurait pas de père et c’est elle qui désigne le père à ses enfants en disant : c’est de lui que vous est venue la vie. Personne d’autre qu’elle ne le sait ni ne peut le garantir. La mère met en relation avec le père. Et le père de l’Église, c’est Jésus, lui dont le cœur transpercé a laissé couler le sang et l’eau, images des sacrements du baptême et de l’eucharistie dont l’Église va vivre. C’est lui qui a envoyé l’Esprit Saint d’auprès du Père et le communique sans cesse à son Église. Marie, ainsi, était présente au Cénacle avec les Apôtres pour prier et attendre que cet Esprit que Jésus avait promis vienne mettre le feu au cœur de l’Église.

La mère, toute mère, a, par ailleurs, vécu une relation extrêmement proche avec ses enfants, la relation la plus proche qu’il soit possible quand ils étaient dans son ventre. Mais elle a expérimenté aussi comment cette relation fusionnelle devait être dépassée. L’accouchement à créé une distance et une possibilité de regarder autrement ce fruit de ses entrailles. Elle a dû apprendre que ses enfants ont leur autonomie et que son amour pour eux devait passer par un détachement, une éducation à l’autonomie. Et la relation de la Vierge Marie avec l’Église n’échappe pas à cette nécessité. Marie est à la fois incontournable pour l’Église et à la fois discrète et effacée. La statue de la Vierge Marie, dans nos églises, est reléguée le plus souvent sur un côté, et l’on se tourne de temps en temps vers elle. En tout cas ce n’est pas elle qui est adorée sur l’autel, mais son Fils, Jésus, le Christ. Et l’Église apprend sans cesse de Marie à se tourner davantage vers le Christ. « Faites tout ce qu’il vous dira » (Jn 2,5) enseigne-t-elle aux serviteurs des noces de Cana. Et chaque jour, dans l’Église, Marie nous invite tous à être comme ces serviteurs, dociles aux paroles du Christ, pour que la joie des noces de Dieu avec son Église soit complète et qu’il ne manque jamais de vin, jamais de saveur dans la vie de l’Église. Marie, mère de l’Église, fait toujours en sorte que les membres de l’Église apprennent à se détacher d’elle, de même que Jésus lui-même s’était détaché de sa mère, comme il le montre dans l’Évangile où il indique que sa mère et ses frères sont tout autant chacun de ceux qui écoutent sa parole et la mettent en pratique (cf. Lc 8,21).

La mère est aussi celle qui a nourri ses enfants, elle prend soin de leurs besoins les plus élémentaires, elle connaît chacun, ses petits défauts, ses capacités, ses besoins ordinaires. Et elle protège, elle nourrit, elle accompagne… ici à Rocamadour, de même que dans bien d’autres sanctuaires, combien de personnes ont bénéficié de ses bienfaits, ont été entendus et compris par la Vierge noire ? Comme le disait saint Bernard dans sa si belle prière à Marie, « on n’a jamais entendu dire qu’aucun de ceux qui ont eu recours à votre protection, imploré votre assistance ou réclamé vos suffrages, ait été abandonné. » Si Marie est mère de l’Église, nous pouvons lui faire confiance, elle ne nous laissera pas tomber si nous nous ouvrons à elle avec des cœurs d’enfants.

La mère, enfin et ce n’est pas la moindre des choses, est appelée à commencer d’apprendre à ses enfants l’amour du prochain et la compassion envers les plus souffrants d’entre nos frères. La mère de Jésus-Christ a connu, en cela, une épreuve comme on ne peut en souhaiter à aucune mère. Elle a vu son Fils trahi, injustement condamné, torturé, insulté et crucifié, mais qui a vécu tout cela par amour pour les pécheurs. Cela lui avait été prédit au Temple par le vieillard Siméon : « un glaive transpercera ton cœur » (Lc 2,35). Et chaque fois qu’elle voit l’Église mal en point, persécutée, insultée ou trahie, son cœur transpercé continue de saigner. Mais la Vierge Marie continue aussi de nous apprendre ainsi cet amour de compassion qui caractérise profondément sa sainteté exceptionnelle. En effet, sur la croix, dans ce moment tragique où le cœur de la mère était le plus profondément percé d’un glaive de douleur, juste avant que le cœur de son Fils ne soit lui-même percé par la lance du soldat, à ce moment précis et dramatique, Jésus a confié son disciple bien-aimé, c’est-à-dire chacun d’entre nous, chaque membre de son Église, à cette mère si aimante : « femme, voici ton fils » (Jn 19,26). Puis il a confié cette mère au disciple bien-aimé, autant dire à chacun d’entre nous : « voici ta mère » (Jn 19,27). Comme saint Jean, nous pouvons donc prendre la Vierge Marie, la mère de l’Église chez nous, dans notre cœur, dans notre quotidien sur lequel elle ne demande qu’à veiller, jour après jour. Et, avec elle, nous apprendrons et réapprendrons à aimer, même lorsque c’est difficile, même lorsque la compassion produit en nous de la douleur car cette douleur est aussi profondément marquée par la joie de l’amour, la joie de ne plus être centré sur soi-même mais sur le Christ qui est toujours vivant et qui se donne à rencontrer dans les plus petits d’entre nos frères.

Marie, mère de l’Église, priez pour nous !

Amen.

+ Mgr Laurent Camiade, évêque du diocèse de Cahors

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