La lettre du Brésil

Bonjour à vous tous, parents et amis de France,

La fête de Noel vient nous donner un souffle de Vie et Esperance, à nous tous qui avons été ébranlés par les récents attentats parisiens. L´onde de choc a atteint aussi le Brésil, jusqu´à Roraima. Les moyens de communication ont amplement commenté les événements. La France est apparue subitement comme un Pays à risques. De nombreux témoignages de solidarité nous ont rejoints et on nous demande ce qui se passe dans cette terre de France, admirée et convoitée... Pendant que la violence envahissait Paris, l’attention, ici, était portée vers l´Etat de Minas Gerais, où la rupture d’un barrage, aux mains d´une puissante société minière, semait la mort et la destruction, dans la Vallée du Rio Doce. On n´en finit pas d´analyser le “pourquoi” et le “comment” de cette catastrophe écologique qui atteint des populations pauvres, souvent ignorées. Mais, tout le monde sait et dénonce. Impossible de camoufler la vérité et la responsabilié de la toute puissante société, responsable de l´exploitation minière de cette région ! Vient maintenant le long et difficile travail pour juger en vérité, réparer et agir en Justice. Forces économiques et forces politiques sont en conflit. Dans ce creuset de difficultés et scandales liés au pouvoir et à l´argent, la légitimité de notre présidente, Dilma Roussel, vient à son tour d´être mise en question et soumise à vote, par les forces d´opposition qui souhaitent reprendre les rennes du pouvoir. Décision dans quelques jours... Malgré la joie et l´optimisme insolent du peuple brésilien, les préoccupations, les difficultés du quotidien, l’incertitude du lendemain, obscurcissent l´horizon de cette fin d´année. Les équilibres culturels de vie et de Foi sont ébranlés. Il faut réapprendre à vivre, à croire, à espérer en tirant les leçons d´un passé encore proche et soupçonné. On assiste à la multiplication d´Eglises, dites évangéliques, annonçant la “fin du monde” et appelant avec urgence à la conversion immédiate. C’est le temps du “Sauve qui peut général” pour échapper à la fin du monde et au désastre de ce monde en perdition !... Nos Communautés chrétiennes subissent cette onde de choc. Il faut expliquer, apaiser, aider à comprendre avec la tête et avec le coeur, relire l´histoire du monde et celle du Peuple de Dieu, lire la Bible avec intelligence et confiance... A Roraima, comme ailleurs, il y a urgence de salut. Les premiers menaçés sont les Peuples indiens, premiers habitants de cette terre de Roraima. La Mission catholique leur a toujours donné son attention et son énergie, en les aidant à vivre et à se défendre. Aujourd´hui, leurs Droits sont reconnus, leurs terres démarquées, au moins ici à Roraima. Mais de nouveaux et puissants envahisseurs rôdent encore autour d´eux, pour s´approprier les ressources minières et forestières. Menacés aussi, sont tous ces petits paysans-migrants, venus du Nordeste brésilien, pour chercher fortune sur ces terres de Roraima. Ils sont de plus en plus étranglés par les grandes sociétés agro-industrielles, fortes de gros capitaux et avides d’espace pour avancer dans la culture du soja et l´exploitation minière et forestière. Notre Pastorale de la Terre, à la mesure de ses moyens, accompagne, forme, informe, soutient tout ce monde des petits paysans qui cherche à vivre au milieu de ces géants au visage couvert et bottés de savoir et de pouvoir. De tous côtés, hors Eglise, on multiplie les “Séminaires de formation’, pour produire, vendre, gagner… Comment ne pas se préoccuper de la “forme “ que prend ce monde qui grandit en “ dé-formant” tant de gens et de peuples. Il y a en ce mois de décembre 2015 encore du monde à “sauver”. Notre Eglise, le Pape François, nos Evêques, au Brésil et ailleurs, appellent à la Mission et à passer les frontières. Notre évêque de Roraima, dom Roque, vient de rejoindre son nouveau diocèse Porto Velho, région de Guajara-Mirim, où travaillent depuis longtemps nos Soeurs-religieuses de Gramat. Notre “prelazia’, résidence de l´évêque et maison diocésaine, s´organise pour attendre le nouveau Pasteur de notre Eglise de Roraima. Avec Paulo, mon jeune collègue prêtre diocesain, nous continuons à habiter les lieux, accueillir et préparer Noël. Nous connaitrons bientôt le nom de celui qui sera “Administrateur diocésain” jusqu´à la venue du nouvel évêque. Héritiers d´Abraham et d’un Peuple de migrants, ce temps de l´Avent et Noël nous invite à ré-apprendre à dire Dieu, en suivant Jésus de Nazareth, ses pas, ses paroles et son itinéraire. Tout a commencé avec Lui à Bethléem, la “Maison du pain”, le rendez-vous des sans logis. La Vie a pris là un autre chemin et un horizon nouveau s´est ouvert. Nous en sommes héritiers. Dans ce monde du “chamboule-tout”, les étrangers sont à nos portes. “Laisserons nous à notre table un peu de pain à l´étranger”, pour dire et chanter en vérité : “Gloire à Dieu, au ciel et Paix sur terre à tous les hommes de bonne volonté”. Une nouvelle année commence. L´aventure de la vie et de l´amour continuent, en faisant de la Miséricorde, cette année, le centre de gravité de notre Foi. Je continue ma route au diocèse de Roraima, avec Jésus de Nazareth, l´Homme qui nous conduits à Dieu et nous donne son Esprit pour suivre, avec Lui, le chemin des petits, des pauvres, des exclus. Je suis heureux de partager la vie de beaucoup de gens qui me donnent le goût et la joie de vivre, malgré les difficultés du chemin… sous le soleil qui flamboie et la route qui poudroie ! Ici, pas de houx, ni de rose de Noël ! Mais je retrouve ce texte de Joseph Folliet, “perce-neige” pour temps de glaciations hivernales et politiques, après la timide COP 21.
Au bout de la route, Il n´y a pas la route,
Mais le terme du Pélerinage
Au bout de la nuit, il n’y a pas la nuit,
Mais l’aurore.
Au bout de l’hiver, il n’y a pas l’hiver,
Mais le printemps,
Au bout de la mort, il n’y a pas la mort
Mais la vie.
Au bout du désespoir, il n’y a pas le désespoir,
Mais l’Espérance.
Au bout de l’humanité, il n’y a pas l’homme,
Mais l’Homme-Dieu.

Que vivent donc Noël et le nouvel an !

Merci pour votre aide et votre soutien à notre « Pastorale de la terre » et à nos petites et pauvres Communautés du bout du monde !
Que la Joie et la Paix de Noël inondent vos familles, nos vies et nos coeurs en communion.
Joyeux Noël à tous.

p. Jacques Hahusseau
tiago.roraima@yahoo.com.fr

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