400 ans de l’ordination du Bx Alain de Solminihac : nous avons prié pour les vocations

Cahors, le 22 septembre 2018

Homélie de Mgr Laurent Camiade, évêque de Cahors :

Mes frères, il n’est pas besoin d’expliquer que les vocations aujourd’hui ne sont pas aussi nombreuses que nous le rêvons. Nous aimerions tous relancer les vocations dans nos diocèses ou nos communautés. La méthode du bienheureux Alain de Solminihac pour relancer les vocations était très simple : la prière … et, comme fruit de cette prière, la conversion de tout son être pour correspondre pleinement au projet de Dieu.

La prière : dès son arrivée à Chancelade, jeune novice âgé de 21 ans, Alain récite au chœur la liturgie des heures et il fait une heure d’oraison tous les matins, seul dans l’abbatiale vide et délabrée. Parfois l’unique jeune religieux de Chancelade, le père Lamic, l’accompagne, mais pour l’office de nuit, celui-ci ne se lève pas toujours. Le chœur de l’abbaye commencera à se remplir après une dizaine d’années d’humble fidélité.

Le second moyen d’Alain pour relancer les vocations était sa conversion personnelle. Il cherche à écarter tous les obstacles qui l’empêcheraient d’agir uniquement en vue de la plus grande gloire de Dieu. Il deviendra ainsi un prêtre donné à Dieu et au service du peuple, spécialement les plus pauvres pour qui il n’hésitait pas à aller mendier dans le rues de Périgueux, spécialement lors de la famine de 1628, en interpelant les habitants depuis les rues : « Riches, Dieu ne vous écoutera pas si vous n’écoutez pas les pauvres ! ». Son amour des pauvres est partie intégrante de son union à Dieu. Toute sa vie, cet amour des pauvres se manifestera par des actes et fera de lui un évêque très aimé du peuple quercynois, à qui il s’est donné sans réserve.

Dans l’Évangile de Luc, il est question d’une moisson abondante mais d’ouvriers peu nombreux (Lc 10,1-2). Il existe deux interprétations distinctes de cette prière pour demander des ouvriers pour la moisson. L’interprétation classique retient que le Seigneur veut nous donner des prêtres, des diacres, des religieux et religieuses ou autres consacrés à condition que nous les lui demandions. Il veut que nous creusions notre désir. C’est d’ailleurs cette première interprétation qui a été retenue pour notre année des vocations dans le diocèse de Cahors. C’était sûrement l’interprétation dominante du temps d’Alain de Solminihac et de la réforme catholique. Elle est vraie, mais le risque est d’oublier qu’aucune vocation dans l’Église ne se cultive hors sol ! Certains chrétiens pensent que cela ne les concerne pas, que cette prière doit être celle des évêques, des prêtres, des religieux et religieuses qui doivent demander au Seigneur des fils et des filles, leur demander d’être délivrés de la malédiction d’être devenus stériles.

Or, il existe une autre interprétation de cet Évangile qui est que l’Église aujourd’hui a besoin d’ouvriers pour la moisson qui ne soient pas que des consacrés ni des ministres ordonnés ni même des permanents pastoraux, mais aussi des fidèles laïcs qui sachent prendre leurs responsabilités dans les communautés chrétiennes comme aussi ils doivent particulièrement se sentir responsables de la pénétration de l’Évangile au cœur du monde. Ces deux interprétations ne s’excluent pas l’une l’autre. Mais la seconde souligne l’implication de tous. Car, même si les personnes consacrées et les ministres ordonnés ont une mission spécifique, en particulier une mission de prière, ils ne sont pas propriétaires de la prière. C’est toute l’Église qui est appelée à prier, comme c’est toute l’Église qui porte la mission.

Pour autant, ce sont d’abord ceux qui se sont investis dans la mission qui voient de manière aigüe combien la moisson est abondante et à quel point elle les dépasse. Dans l’Évangile, la consigne de prier Dieu d’envoyer des ouvriers est donnée par Jésus à ceux qu’il a déjà appelés, les Douze et les Soixante-Douze disciples. Il vient de les envoyer deux par deux en mission. Juste avant qu’ils ne partent, Jésus les prévient qu’ils ne seront pas assez nombreux et qu’il leur faudra prier le maître de la moisson d’envoyer d’autres ouvriers.

Autrement dit, tant que l’on n’a pas mis la main à la charrue, tant que l’on se contente de consommer des services ecclésiaux ou de compter les bons et les mauvais points de l’évangélisation en multipliant les commentaires à travers des écrans, tant que l’on n’a pas entendu soi-même l’appel de la mission dans l’Église et mis ses mains dans le cambouis, il est difficile de sentir à quel point la moisson est abondante. Mes frères, cette parole de Jésus est un immense encouragement : elle nous donne la solution pour notre mission impossible : la prière ! Le bienheureux Alain recommandait à Dieu tous ses actes apostoliques. Il conseille, en particulier de confier au Seigneur la visite pastorale : « Il faudra la recommander beaucoup à Dieu et le prier de nous remplir de son esprit pour la bien faire et surmonter les contradictions et difficultés qui s’y rencontreront » (Conférences de Mercuès). Plus le bienheureux Alain avançait dans son ministère épiscopal, plus il prenait de temps pour prier, pour prier le maître de la moisson d’envoyer de bons ouvriers pour sa moisson. Mais cet abandon dans la prière silencieuse ne réduisait en rien son activité : « Il faut demeurer en un état d’oblation toute sa vie, et il faut pourtant suivre Dieu là où il nous appelle » (Lettre, 4 janvier 1655).

Le point de départ de la prière, c’est de faire confiance au Seigneur. C’est cette confiance simple qui motive notre petit rassemblement d’aujourd’hui : dans la confiance, prier ensemble. Chacun de nous peut si facilement mettre sa confiance ailleurs qu’en Dieu, dans des techniques de communication, dans l’art de séduire, d’attirer ou d’enthousiasmer… Mais le seul qui ne déçoit pas, c’est Dieu. Le bienheureux Alain disait que Dieu « a un soin incroyable […] de ceux qui se sont libéralement abandonnés à sa bonté » (Avis n°36).

Mettre toute notre confiance dans la bonté de Dieu ! En Lui seul. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a rien à faire de notre côté et qu’il faudrait gommer nos charismes. Cela veut juste dire qu’il faut centrer notre confiance sur Dieu seul. Alain de Solminihac disait « Le moyen d’avoir une grande confiance en Dieu, c’est de n’en avoir pas en soi-même » (Avis n°37). Dès que nous avons mis notre confiance en Dieu, si nous le prions de rendre nos communautés fécondes pour y voir germer des vocations, Dieu va rendre notre vie féconde. Et pour obtenir cette fécondité que nous désirons, Dieu va purifier notre manière de vivre. Car nous sommes tous un peu comme Isaïe, avec des lèvres impures, nous vivons au milieu d’un peuple aux lèvres impures. Nous pouvons penser pour bien des raisons qu’aujourd’hui l’Église n’est plus crédible, qu’elle est « un peuple aux lèvres impures ». Nous avons bien besoin qu’un séraphin vienne toucher nos lèvres avec un tison pour nous purifier. Alors, comme Isaïe redevenu crédible, non de lui-même mais par le feu de la miséricorde de Dieu, nous pourrons être envoyés de nouveau en mission par le Seigneur et lui dire notre disponibilité totale : « Me voici, envoie-moi » (Is 6,8).

Prier le Seigneur d’envoyer les ouvriers qui manquent suppose de s’oublier soi-même en fixant nos regards sur la moisson abondante, c’est-à-dire sur les personnes à rencontrer. Quand on commence à s’engager pleinement dans la moisson, on perçoit les besoins immenses de nos frères et on n’a pas d’autre solution que de prier le Seigneur en s’abandonnant à Lui. Là est le cœur de la conversion pastorale et de toute réforme ecclésiale. La moisson est abondante tant le monde actuel est travaillé de l’intérieur par un appel à la cohérence et au respect dans les relations dont une vie chaste est l’archétype. La moisson est abondante tant grandit l’écœurement face aux vanités des prétentions individuelles, toxiques pour le lien social et dont les antidotes sont l’humilité, la douceur et la patience, exigées par notre vocation chrétienne (cf. Ep 4,2). La moisson est abondante tant les quêtes spirituelles actuelles mobilisent nos contemporains et les éveillent à une intériorité qui mérite toute l’attention pastorale de l’Église. La moisson est abondante quand nous voyons tant de personnes blessées par la vie solliciter une écoute et mendier une espérance. La moisson est abondante tant nous-mêmes désirons retrouver joie et courage pour servir dans la confiance, selon le projet de Dieu.

Prions, mes frères, que le Seigneur envoie de nombreux ouvriers pour sa moisson ! Amen.

Envoi :
Nous terminons une année de prière pour les vocations dans le diocèse de Cahors, mais nous n’allons pas cesser de prier !

Saint Jean-Paul II écrivait dans sa lettre prophétique pour le nouveau millénaire : « Dans la prière se développe ce dialogue avec le Christ qui fait de nous ses intimes : « Demeurez en moi, comme moi en vous » (Jn 15,4). Cette réciprocité est la substance même, l’âme, de la vie chrétienne et elle est la condition de toute vie pastorale authentique. Réalisée en nous par l’Esprit Saint, elle nous ouvre, par le Christ et dans le Christ, à la contemplation du visage du Père ». (Jean-Paul II Novo millenio ineunte n°32)

Pour poursuivre cet élan de prière, spécialement pour les vocations, tous les premiers vendredis du mois, à partir d’octobre, je serai à 17h dans cette cathédrale pour un temps d’adoration eucharistique, suivi de la messe à 18h15. J’invite tous les diocésains qui le pourront à venir prier avec nous ou à s’unir à ce temps de prière depuis chez eux ou même pourquoi pas en organisant un temps de prière public dans leur paroisse, en accord avec leur curé. Les premiers vendredis du mois.

Les quercynois le savent déjà, en me recommandant à la prière du bienheureux Alain et de tout le peuple de Dieu, je commencerai aussi à partir de novembre des visites pastorales approfondies, six jours dans chaque paroisse nouvelle ou groupement paroissial.

Je remercie encore tous mes confrères évêques qui se sont déplacés, particulièrement le cardinal Barbarin, Mgr Le Gall notre archevêque métropolitain, Mgr Mousset, évêque de Périgueux où a été ordonné le bienheureux Alain et les représentants des diocèses des congrégations religieuses, des abbayes. Continuons de prier en communion pour cette belle intention qui demande de fixer nos yeux sur la moisson abondante où Dieu se révèle plein de miséricorde. Et prions le Maître de la moisson sans qui nous ne pouvons rien !

Bénédiction (cf. cérémonial des évêques, n° 1120)

Le Seigneur soit avec vous
R/. et avec votre esprit
Que la paix de Dieu qui dépasse tout ce qu’on peut imaginer,
garde vos cœurs et vos pensées dans la connaissance
et l’amour de Dieu et de son Fils, Jésus, le Christ, notre Seigneur.
R/. Amen.
Et que Dieu tout puissant vous bénisse, le Père, le Fils et le Saint-Esprit.
R/. Amen.


 Procession aux flambeaux pour les vocations à Rocamadour : témoignage

« Présente pour le WE au sanctuaire de Rocamadour, j’ai participé samedi soir à la procession aux flambeaux pour les vocations. Procession qui venait fêter les 400 ans de l’ordination du bx Alain de Solminihac, évêque de la région qui a permis un essor des vocations dans son diocèse.

Il y avait donc des familles, des jeunes, des moins jeunes, mais surtout plusieurs prêtres et évêques. Une assemblée éclectique mais ce qui nous rapprochait tous était que nous étions là pour demander au Christ de nous donner des prêtres, des religieux et religieuses.

En effet nous savons tous qu’aujourd’hui a lieu une crise des vocations, qu’elles soient sacerdotales, religieuses ou consacrées, ou à une crise de la foi, à moins que les deux soient liées. Je me sais d’autant plus concernée que ma vie chrétienne de demain, et celle de mes enfants, en dépend : qui nous imposera les sacrements, qui nous enseignera, qui priera pour le monde et notre Salut ? Nous, jeunes, je pense que l’on sait tous cette urgence à répondre à l’appel du Christ mais il est tellement plus facile de faire semblant de ne pas entendre, tellement plus facile de ne pas s’engager, tellement plus facile de ne pas être bousculé dans nos « plans ».

Alors, bx Alain de Solminihac donnez l’audace et le courage aux jeunes de répondre à l’appel de Dieu par un grand « oui » ! Oui, cela sera sûrement difficile et coûteux mais ce sera beau à n’en point douter ! »

Je vous remercie encore pour votre accueil ce WE,
In Christo,
Isaure


Ci-dessous dans le portolio :
Samedi 22 septembre 2018 :
Procession et Messe Solennelle à la cathédrale Saint-Etienne de Cahors

  • En présence du cardinal Philippe Barbarin,
  • de Mgr Laurent Camiade, évêque de Cahors,
  • de Mgr Robert Le Gall, archevêque de Toulouse,
  • de Mgr Philippe Mousset, évêque de Périgueux où a été ordonné le bienheureux Alain,
  • de Mgr Bestion, évêque de Tulle
  • de Mgr Planet, évêque de Carcassonne
  • de Mgr Herbreteau, évêque d’Agen
  • de Mgr Legrez, évêque d’Albi
  • de Mgr Molères, évêque émérite de Bayonne Oloron
  • de Mgr Georges Colomb, de La Rochelle et Saintes.
  • ainsi que de nombreux autres évêques et prélats, prêtres et diacres, religieux et religieuses.

 A retrouver également sur le site Eglise Catholique en France, édité par la Conférence des Evêques de France CEF : "Cahors : 400 ans de l’ordination d’Alain de Solminihac"

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