Fête de la Terre à Mayrac

Dimanche 12 août 2018.

Homélie de Monseigneur Laurent Camiade, évêque de Cahors :

« Personne ne peut venir à moi, si le Père qui m’a envoyé ne l’attire, et moi, je le ressusciterai au dernier jour » (Jn 6,44).

Cette parole de Jésus peut orienter notre méditation de façon très profonde. En peu de mots, l’évangile de saint Jean suggère des vérités insondables. Il évoque ici le mouvement de l’homme vers Dieu. Jésus est en train de parler de l’eucharistie, du pain consacré qui va nous être proposé en communion dans quelques minutes et qui donne accès à Dieu. Ce pain, donne la vie éternelle. Mais il ne peut pas être accaparé, ni reçu de manière banale et superficielle. Communier suppose de se laisser attirer par le Père. Ce n’est pas nous qui avons l’initiative. Jésus dit : « Personne ne peut venir à moi, si le Père qui m’a envoyé ne l’attire » (Jn 6,44).

Mes frères, si le Père vous attire, si Dieu est vraiment Celui que vous cherchez, vous pouvez venir à Jésus et vous tirerez un grand fruit de la communion au corps du Christ. Vous pourrez savourer cette certitude qu’il vous ressuscitera au dernier jour. Et cela va transformer votre vie. Vous ne pourrez plus vivre comme avant. La Parole de Dieu résonnera en vous et vous rendra capables d’aimer Dieu et de devenir des artisans de paix.

Pourtant, certains d’entre vous allez peut-être me dire « nous sommes de la terre ». « Nous ne sommes pas déjà au ciel ni dans des états mystiques élevés ». « Aller vers Dieu ce n’est pas à notre portée". « Ce qui nous occupe, c’est la terre ». Nous faisons aujourd’hui la « fête de la terre », n’est-ce pas ?

Mais justement, le Fils éternel de Dieu s’est rendu présent, sur la terre. A notre niveau. Il s’est tellement fait l’un de nous que les contemporains de Jésus eux-mêmes, malgré les miracles qu’il faisait, étaient choqués lorsqu’il disait « je suis descendu du ciel » (cf. Jn 6,42).

Ce qui est important, c’est de réaliser que la présence de Dieu qui s’est fait l’un de nous ne nous réduit pas à notre condition terrestre, mais justement, quand Dieu visite la terre, Il vient rendre possible une rencontre avec Lui à travers même notre labeur de tous les jours, à travers le pain et le vin, fruits de la terre et du travail des hommes (cf. prière de l’offertoire dans le missel romain).

Il faut d’ailleurs souvent se pencher au niveau du sol pour réaliser à quel point, sans que le Père nous attire, sans la grâce de Dieu, sans une force qui ne vient pas de nous mais que Dieu Lui-même nous donne, nous ne pouvons plus avancer. Livrés à nous-mêmes, nous sommes pris dans nos blocages terrestres. Que ce soient les contraintes et les pressions du marché, l’endettement ou même la solitude, ou encore les caprices de la météo, tel ou tel problème sanitaire ou simplement des fâcheries récentes ou ancestrales avec nos voisins… Il y a tant et tant d’occasions de se décourager, de s’enfermer dans des horizons bouchés, de se faire des nœuds, comme on dit !

Avant de trouver des solutions techniques à nos blocages, il est nécessaire de retrouver la confiance. Si le Père nous attire, si nous réalisons que Dieu est notre Père et qu’il veille sur nous, nous ne pouvons plus douter qu’il y aura une issue, qu’un avenir digne et honnête reste ouvert.

Cela dit, Dieu ne cesse de nous faire signe, déjà sur cette terre, de façon toute simple. Quand par exemple des personnes de notre entourage ou même des aides publiques prévues par la société moderne, n’importe qui, quand quelqu’un offre une aide matérielle ou un accompagnement, ou même un simple sourire, une amitié encourageante, n’est-il pas permis d’y voir un signe de la Providence divine qui ne nous laisse pas tomber ?

Ceux qui travaillent pour nourrir leurs frères méritent toujours la reconnaissance de tous. Or, c’est vrai que dans le monde rural actuel, il y a beaucoup de solitude et parfois, l’impression d’être incompris ou que les structures de la société qui devraient soutenir et accompagner, en réalité ne font qu’écraser et pressuriser.

Se réunir pour fêter le travail de la terre est sûrement alors un témoignage important pour manifester notre estime à ceux qui la travaillent ou qui y font paître leurs animaux. C’est un signe d’amitié et de charité que nous leurs devons.

A mes yeux, dans la fraternité qui se manifeste dans le rassemblement d’aujourd’hui, apparaît le signe que nous nous reconnaissons fils d’un même Père, le Père qui nous attire à son Fils Jésus… Jésus est venu guérir et sauver les hommes enfermés dans leurs péchés, dans leurs égoïsmes et dans leurs vieilles rancunes, dans leurs peurs ou dans leurs insatiables soifs de richesses et de confort qui, en fin de compte, abîment notre terre. Mais au fond de nos cœurs, le Seigneur nous attire, il nous donne le désir d’autre chose. Il nous fait sentir que le vrai sens de la vie n’est ni dans le repli sur soi, ni dans la violence, ni dans la convoitise ou l’ambition.

J’ai lu que, dans les options du syndicat des Jeunes Agriculteurs qui nous ont invités aujourd’hui à leur fête, il y a beaucoup d’idées qui me semblent très bonnes pour faciliter l’installation de nouveaux exploitants ; pour protéger l’environnement, par exemple en encourageant l’agriculture raisonnée ; ou encore pour obtenir plus de soutien dans les zones défavorisées. Toutes ces belles propositions contribuent certainement au progrès de notre société et à l’avenir de l’agriculture. Je pense que pour réussir elles devront se mettre en œuvre dans un esprit de solidarité. Saint Paul dans l’épitre aux Ephésiens nous recommande d’éliminer de notre vie toute « Amertume, irritation, colère, éclats de voix ou insultes… ainsi que toute espèce de méchanceté » (Eph 4,31). Il nous dit aussi « Soyez entre vous pleins de générosité et de tendresse » (Eph 4,32).

Il me semble que le plus grand danger de l’humanité en général est l’ignorance mutuelle entre voisins et même d’un bout du monde à l’autre. La fête d’aujourd’hui est donc d’une grande importance car retrouver l’unité du monde rural est un enjeu majeur. L’Église se sent concernée et souhaite participer à créer des liens entre les agriculteurs et la société environnante. La mission de l’Église est au service de la communion, de la paix et de l’unité du genre humain. Celle-ci sera réalisée au ciel, mais doit être déjà anticipée sur la terre.

Que notre prière, aujourd’hui, en ce lieu, nous permette d’ouvrir nos cœurs à Dieu qui nous attire dans une logique de fraternité et de joie partagée.

Amen.

Photo ci-dessous : Mgr Laurent Camiade, au centre, entouré du père Jean-Robert Minkoko et du père Lucien Lachieze-Rey, quelques paroissiens de Martel et, à droite sur la photo, M. Pierre Fouché, éleveur de brebis et oncle du président des Jeunes Agriculteur du canton (Lionel Fouché).

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