Message de Mgr Camiade

Texte lu en fin d’ordination suivi des remerciements et de la nomination du vicaire général.

En arrivant dans le Lot j’ai été très rassuré quand j’ai appris que depuis 140 millions d’années les touristes trouvent ici leur bonheur, depuis les ptérosaures qui pataugeaient gaiement à quatre pattes sur les plages de Crayssac jusqu’aux estivants d’aujourd’hui qui apprécient le climat, la beauté des sites, la gastronomie et l’accueil chaleureux des habitants. Je n’arrive pas en touriste mais j’ai déjà pu goûter à plusieurs de ces charmes lotois. Dans tout cela et dans bien d’autres choses encore je sais que je Seigneur veut que je trouve ici ma joie et mon chemin de sainteté, sous la protection de Notre-Dame de Rocamadour. Mon plus grand désir est de vous aider à aimer Dieu, de vous parler de Jésus-Christ qui nous révèle à quel point Dieu nous aime.

Pour cela, j’ai choisi comme devise épiscopale : "les regards fixés sur Jésus" (Aspicientes in Jesum, cf. He 12,2).

Je souhaite donc vivre mon ministère d’évêque en gardant les yeux fixés sur Jésus-Christ.

Dans l’Évangile de Jean, nous voyons cette rencontre avec Nathanaël où Jésus lui dit "parce que tu m’a entendu parler du figuier, tu crois, tu verras des choses plus grandes encore" (cf. Jn 1,50). Si nous écoutons sa parole avec foi, Jésus nous donnera donc de voir ses grandeurs et nous pourrons en être témoins. Car si nous fixons longuement nos regards sur Jésus, nous comprenons qu’il est : l’envoyé du Père. Il est celui qui vient nous connecter à l’amour de Dieu. Une fois connecté à l’amour de Dieu révélé par Jésus, tout le peuple de Dieu devient messager de l’amour de Dieu pour le monde. L’Évangile est la source inépuisable de notre tonus missionnaire. C’est d’ailleurs le seul moyen de ne pas céder au fatalisme des statistiques du déclin. Il semble que ce qui plombe la marche de l’Église ce sont des chrétiens devenus des zombies, pour reprendre l’expression d’un sociologue même si ses analyses sont contestables elles traduisent une image négative que nous donnons. J’ai parfois l’impression de voir, un peu comme lui, des morts-vivants qui errent bizarrement avec quelques formes extérieures de vie chrétienne, une sympathique culture de solidarité et de liberté, un vague sentiment d’appartenance hérité des ancêtres, un attachement sélectif à quelques rites qui les émeuvent encore et la certitude affichée d’être bien-pensants et bien-agissants, le tout sans presque aucune vie intérieure, sans prière, sans souffle métaphysique, sans référence ni relation personnelle à Jésus-Christ ni à son Évangile. Cette vision de cauchemar reste superficielle et si nous fixons nos regards plus attentivement sur ces contemporains d’apparence "zombie", nous découvrons qu’il existe une multitude de degrés et de modes par lesquels Jésus-Christ pénètre les âmes. D’ailleurs, si beaucoup de statistiques baissent dans l’Église de France, nous avons à témoigner que la saveur de l’Évangile ne diminue pas, au contraire et qu’elle s’offre à tous.

En tout cas, même devant la faiblesse ou l’échec, fixons nos regards sur Jésus crucifié. A Cahors, nous y sommes spécialement aidés par la coiffe mortuaire du Christ, vénérée ici depuis un bon millénaire et placée cet après-midi au pied de l’autel de la cathédrale. Elle nous rappelle ce qui est révélé par l’Évangile : par sa mort et sa Résurrection, Jésus nous a donné accès au don de l’Esprit Saint qui reposait sur lui. Et dans l’Esprit, nous contemplons Jésus ressuscité. Garder nos regards fixés sur Jésus c’est donc s’attendre à être régénérés par cette contemplation et à recevoir de lui, après la persévérance et la confiance, une lumière et une force dans toutes nos épreuves.

La tradition franciscaine a mis en valeur le fait que Dieu s’adresse aussi à nous par les vestiges de son Verbe dans la Création. Selon la même idée, le pape François écrit dans sa récente encyclique Laudato’ si’, que chaque créature —donc, l’oisillon, le ptérorause ou le moindre caillou du Causse— chaque créature porte en elle un message (cf. Laudato’ si’, nn. 33, 84-85, 117, 221). Nul n’est donc trop insignifiant pour être négligé. Que saint François d’Assise dont c’est la fête aujourd’hui nous obtienne la grâce de ne jamais oublier cette vérité qui a si bien guidé sa vie depuis qu’il a lui-même surmonté sa répulsion pour embrasser un lépreux. Nul n’est trop petit ni trop abîmé pour être méprisé. Ce regard sur les créatures, spécialement les plus fragiles est aussi un appel à agir. Je pense ici à la diaconie de l’Église. Servir nos frères découle du regard que nous portons sur eux, d’un regard assez attentif en profondeur pour discerner le Christ dans chacun des plus petits d’entre nos frères (Mt 25,40).

Fixer nos regards sur Jésus, c’est donc porter sur chaque créature un regard de foi et d’amour. Le monde dans lequel nous vivons a besoin de chrétiens qui regardent le Christ, de chrétiens dont les yeux intérieurs voient sans cesse Celui en qui ils croient. Cette vision n’est pas forcément immédiate. Elle a besoin d’une grâce, qu’il faut désirer et attendre, parfois très longtemps. Elle se vérifie surtout dans notre manière d’agir.

Les regards fixés sur Jésus à la suite d’une nuée de témoins (cf. He 12,1), nous sommes invités à une communion de regards aujourd’hui dans cette cathédrale. Nous partageons aussi cette communion avec ceux qui sont dehors ou à l’église du Sacré-Cœur ou encore ceux qui suivent la célébration sur internet ou grâce aux ondes de radio-présence - et je pense spécialement à ceux qui sont malades et n’ont pas pu se déplacer et qui prient avec nous : que le Seigneur Jésus les réconforte et leur fasse sentir son amour. Dieu ne vous a pas oubliés ! Votre vie a un sens.

Tous ensemble, fixons nos regards "sur Jésus qui est l’origine et le terme de notre foi" (He 12,2 : aspicientes in auctorem fidei et consummatorem Jesum). Selon saint Jean-Paul II, cette attitude est le cœur de la mission d’un évêque. Il écrivait, en effet, en conclusion de son exhortation apostolique sur l’évêque et sa mission : "Jésus-Christ est l’icône vers laquelle nous regardons, vénérés frères évêques, pour exercer notre ministère en héros de l’espérance" (Pastores gregis n° 74).

Remerciements

Aujourd’hui, je viens de recevoir la grâce de l’épiscopat dans l’Église. Je porte pour la première fois la mitre qui symbolise la clarté du Christ celle qui rayonne sur le visage de l’Église comme dit le Concile Vatican II (Lumen gentium 1), à la manière des cornes de Moïse qui manifestaient qu’il avait rencontré Dieu face à face. En me tournant vers vous avec ce regard nouveau, renouvelé dans le Christ, je vois tout ce que j’ai reçu du Seigneur à travers les autres : mes évêques successifs, les confrères prêtres, les diacres et aussi les fidèles laïcs ou même ceux d’entre mes amis qui se disent mécréants —ou demi-mécréants— ou ceux qui appartiennent à d’autres confessions ou religions. De chacun j’ai énormément reçu. Je les en remercie infiniment et j’en rends grâces à Dieu.

Merci à Mgr Ventura, nonce apostolique à Paris qui a su m’encourager dans la disponibilité à l’appel du Seigneur et me conforter par des paroles chaleureuses qui m’ont fait du bien ; merci à Mgr Le Gal qui vient de m’ordonner évêque et m’a très fraternellement accompagné depuis l’annonce de ma nomination : j’avoue que je n’imaginais pas une telle sollicitude. Merci aux consécrateurs, d’abord Mgr Herbreteau, mon évêque depuis dix ans, qui m’a manifesté une grande confiance en confiant des responsabilités qui ont élargi ma vision de l’Église et du monde et m’a soutenu en toutes circonstances ; et ensuite Mgr Mousset, aujourd’hui évêque de Périgueux, avec qui nous avons partagé depuis 17 ans la préoccupation des vocations dans l’inter-province de Poitiers et Bordeaux, avant qu’il ne soit nommé évêque de Pamiers en 2009. Merci à tous mes frères évêques qui ont pris sur leur temps chargé pour venir m’imposer les mains et donner ici le signe de la collégialité épiscopale ; merci à tous les prêtres et diacres présents. Un merci spécial au père François Gerfaud qui a administré le diocèse de main de maître pendant ces derniers mois. Merci à tous ceux qui, à différents niveaux, ont préparé et contribué à rendre belle et priante cette célébration d’ordination : l’organisation et la conduite de la liturgie, la décoration, la musique, aux personnes qui assurent la sécurité et tous les aspects techniques de ce beau rassemblement. Merci au Seigneur pour le temps qui s’est maintenu sans grosse pluie.

Mgr Turini n’a pas pu être là aujourd’hui et je le regrette mais je tiens à exprimer devant vous tous la reconnaissance que j’ai à son égard pour l’immense travail accompli et aussi pour tout ce qu’il m’a transmis pour débuter ma mission le mieux possible. Il restera pour moi un grand frère sur qui je sais pouvoir compter au sein du collège épiscopal.

Merci aux fidèles du Diocèse d’Agen, venus nombreux m’accompagner dans ce moment de grâce et d’abandon à la mission du Christ, merci à ma famille, spécialement mes parents (impossible de dire tout ce que je leur dois), à mes amis, chrétiens ou non qui sont présents nombreux…

Merci aux membres des différentes confessions chrétiennes, orthodoxe ou protestantes de manifester par leur présence et leur prière notre chemin œcuménique, notre regard commun sur Jésus qui nous rassemble. / Merci aux représentants des autres confessions religieuses qui nous rappellent qu’une foi vivante en Dieu est source de paix et d’amitié. Il nous faut le répéter souvent et en vivre réellement. / Merci aux responsables de la société civile qui nous font l’honneur de leur présence. Vos missions au service du bien commun sont souvent difficiles mais ô combien précieuses pour l’épanouissement de chaque personne et de chaque groupe ou communauté.

Je nomme vicaire général l’abbé François Gerfaud.

Après consultation du conseil du séminaire Saint-Cyprien de Toulouse, je suis heureux d’annoncer l’ordination sacerdotale de Jean-Baptiste Digeon le 22 novembre 2015 en cette cathédrale Saint-Etienne.

Si vous n’êtes pas trop fatigués, récitons un Je vous salue Marie.

+ Laurent Camiade

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