Jean-Baptiste Digeon, nouveau prêtre pour le diocèse

Célébration en la cathédrale Saint Etienne à Cahors dimanche 22 novembre.

Mot d’accueil et homélie de Mgr Camiade

Mot d’accueil

Chers frères et sœurs, nous sommes heureux de célébrer aujourd’hui l’ordination sacerdotale de l’abbé Jean-Baptiste Digeon.

Je salue spécialement ses parents, sa famille, tous ses amis venus nombreux, ainsi que les prêtres et diacres du diocèse ou même d’autres diocèses. Je remercie spécialement les pères et formateurs du séminaire Saint-Cyprien de Toulouse et mes amis et ex-confrères enseignants de l’Institut Catholique, ainsi que tous ceux qui, d’une manière ou d’une autre ont aidé et accompagné l’abbé Digeon dans sa préparation au sacerdoce, comme notamment son curé, ces dernières années à Figeac, l’abbé Luc Denjean.

L’Eglise catholique fête aujourd’hui le Christ Roi de l’Univers. Le vocabulaire de la royauté peut surprendre un peu dans la république française laïque ou avoir un parfum passéïste. Mais, dans le Nouveau Testament, c’est un thème central et incontournable comme en atteste ne serait-ce que la fréquence énorme des mots basileus et basileia que l’on traduit en français par roi ou royaume, règne, royauté. L’Evangile que nous entendrons précise que la royauté du Christ "n’est pas de ce monde" (Jn 18,36). C’est un royaume extra-territorial. Mais pas extra-terrestre : Jésus a semé en terre les germes de son royaume et notre mission de chrétiens est de favoriser ici-bas la croissance de ce royaume. Il imprègne la vie des hommes chaque fois que règnent la paix, la justice, le don de soi, le goût de la vérité, la fidélité, la joie partagée... Les événements violents de la semaine passée nous ont tous impressionnés. Le hashtag #prayforparis —prie pour Paris— dont le succès encore plus grand que #jesuischarlie en janvier dernier, a bluffé tous les observateurs. Cela témoigne peut-être d’un sursaut spirituel que nous pourrions interpréter —pourquoi pas ?— comme un signe du Royaume de Dieu qui germe et grandit, malgré toutes les volontés contraires, qu’elles soient terroristes ou laïcistes. En tout cas, nous portons dans nos cœurs, en ce jour de fête et de prière pour notre diocèse, la peine de toutes les familles touchées par le deuil et les inquiétudes de notre patrie blessée. Nous prions aussi le Christ-Roi pour tous ceux qui exercent le pouvoir dans notre République. Ils ont de graves décisions à prendre et une grande responsabilité sur les épaules. Prions aussi pour les forces de sécurité et les agents de prévention ou de renseignement.

La fête d’aujourd’hui nous apporte cette lumière : Dieu est à l’œuvre en notre histoire, nous pouvons compter sur Sa grâce et Il ne nous a pas abandonnés. Les épreuves doivent nous encourager à marcher fermement sur un chemin de confiance, de vérité et d’amour.

Homélie

Le règne du Christ que nous célébrons aujourd’hui, produit une transformation dans le cœur des hommes. Et la conversion des cœurs à l’Évangile du Royaume de Dieu participe à la sanctification de l’histoire du monde. Ainsi, nos attitudes comptent. Nos paroles, nos décisions, si elles expriment notre foi, peuvent faire rayonner la paix du Christ, roi de l’Univers. Sinon, elles peuvent détruire, décourager ou cultiver la panique. A cause de cela, Jésus a donné sa vie pour nous délivrer de nos péchés, selon les mots de l’Apocalypse, entendus dans la seconde lecture : "Jésus-Christ nous aime, nous a délivrés de nos péchés par son sang et a fait de nous un royaume et des prêtres pour Dieu son Père. A lui, la gloire et la souveraineté pour les siècles de siècles. Amen" (Ap 1,5-6)

Tous ceux qui se placent sous la royauté du Christ, souverain de l’univers, sont prêtres. Le prêtre, ministre ordonné dans l’Église catholique, a été choisi par Dieu parmi ses frères non pour faire à leur place le travail sacerdotal de tout le Peuple de Dieu, mais pour le favoriser et pour rappeler à tous leur sacerdoce royal en agissant au nom du Christ en personne. Dans quelques jours, le 7 décembre, l’Église fêtera le 50° anniversaire de la promulgation par le Concile Vatican II du décret sur le ministère et la vie des prêtres (prebyterorum ordinis). Il sera bon pour tous les prêtres de profiter de l’occasion pour relire ce texte qui les concerne. Il vient d’y avoir une conférence à Rome, organisée par la congrégation du clergé, à propos de ce document. Le pape François est intervenu et a dit "un prêtre doit apprendre à être joyeux, il ne doit jamais perdre la capacité de joie". Je voudrais donc m’arrêter avec vous sur deux aspects de l’immense bonheur d’être prêtre :

• le témoignage à la gratuité de l’œuvre de Jésus
• la mission de communion dans l’Esprit Saint

Le bonheur immense d’être prêtre vient d’abord de sa participation à la gratuité de l’œuvre salvifique de Jésus. Qu’est-ce à dire ? Les prêtres sont appelés à imiter le Christ qui donne entièrement sa vie par amour de tous les êtres humains, à la gloire de Dieu son Père. Son sacerdoce a consisté en un don gratuit et inconditionnel de Lui-même pour sauver des hommes qui ne l’avaient pas mérité.

Les prêtres donnent gratuitement leur vie en signe du sacrifice par lequel Jésus sauve gratuitement le monde. Ce don gratuit est l’essence du sacerdoce du Christ. Il "nous aime, nous a délivrés de nos péchés par son sang et a fait de nous un royaume et des prêtres pour Dieu son Père" (cf. Ap 1,5-6)... Le prêtre diocésain vit dans le monde comme un frère dans le milieu où il est envoyé (cf. Presbyterorum ordinis 3). Mais si certains aspects de sa vie marquent des distances avec les projets et les habitudes du monde —comme son célibat, sa simplicité de vie, son détachement du besoin de plaire— c’est pour rendre témoignage au mystère de la vie gratuitement donnée de Jésus-Christ et, donc, "être totalement consacré à l’œuvre à laquelle le Seigneur l’appelle" (cf. id.). C’est donc pour un plus grand don de lui-même à tous, pour un plus grand amour.

Se donner gratuitement, cultiver la gratuité est assez en contradiction avec la société de consommation où, sous le mot "gratuit", se cache souvent, écrit en tout petit, un piège ou une arnaque. Mais, justement dans ce contexte, la vraie gratuité est attendue, voire même vitale. Dans un premier temps, elle déconcerte souvent : que cherchons-nous ? Ne sommes-nous pas en train de jouer sur des ressorts psycho-affectifs subtils et plus pervers encore ? Sommes-nous en train de compenser un manque de reconnaissance ? La gratuité existe-telle vraiment ? Le cœur de l’homme en est-il capable ? Soyons lucides sur les limites de notre générosité. Mais cultivons tout de même ce trésor. L’humanité en a besoin. Sa source authentique est le don gratuit de sa vie par le Christ Jésus, Fils de Dieu, unique sauveur qui nous aime, nous délivre du mal et fait de nous ce peuple de prêtres associés à sa mission. Le donnant-donnant n’est qu’une forme humaine de justice et, dans ce monde d’imperfection, ne fait le plus souvent qu’exacerber les frustrations. En revanche, le surcroît de gratuité dans le don de soi produit le bonheur. La vie donnée d’un prêtre est donc un témoignage salutaire pour l’humanité, c’est une anticipation du règne de Dieu ici-bas.

Comme, humainement, la gratuité ne va pas de soi, une vie donnée doit s’unifier de plus en plus, à travers des exercices quotidiens de gratuité. Ainsi, ce sera une vie vraiment heureuse et rayonnante. La vertu de gratuité correspond à ce conseil de Jésus aux Apôtres : "vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement" (Mt 10,8). La gratuité dans nos relations c’est le respect profond de la liberté des personnes que nous rencontrons.

Un prêtre témoigne de la gratuité de Jésus s’il respecte la liberté des fidèles qui lui sont confiés.
Un prêtre témoigne de la gratuité de Jésus s’il évite de s’entourer d’une cour d’admiratrices mais écoute tous les points de vue.
Un prêtre témoigne de la gratuité de Jésus s’il se garde de toute tentation d’abuser de son autorité pour satisfaire ses goûts et ses idées personnelles (ou pire, pour cacher ses vices).
Un prêtre témoigne de la gratuité de Jésus s’il ne remplit pas son agenda à fond mais garde des temps de silence et de prière intérieure et une disponibilité pour l’imprévu.
Un prêtre témoigne de la gratuité de Jésus s’il évite de monopoliser trop longtemps la parole pour le plaisir de se mettre en avant —surtout s’il n’a rien à dire !

Nous comprenons bien que ces remarques sont valables pour toute personne, prêtre ou pas. Le manque de gratuité dans les relations ordinaires produit tension et souffrance pour tout le monde. Tandis que la gratuité dans la vie pastorale est source de joie pour tous. Elle apaise les relations. Elle guérit l’affectivité et, de ce fait, fortifie l’âme face à toutes les tentations contre la chasteté. Elle facilite un plus profond attachement à Jésus-Christ, lui qui n’a mis la main sur personne : son sacerdoce est don gratuit de sa vie, par amour, pour délivrer les hommes des liens de leurs péchés et faire d’eux un royaume et des prêtres, à la gloire de Dieu son Père (cf. Ap 1,5-6).

L’immense bonheur d’être prêtre vient aussi de ce grand don de la communion dans l’Esprit Saint. Cher Jean-Baptiste, vous êtes institué aujourd’hui serviteur de la communion dans le Saint Esprit.

Au cœur de ce service, il y a l’eucharistie. Cela peut sembler une exagération romantique de dire que seuls les prêtres peuvent comprendre le bonheur qu’il y a à célébrer l’eucharistie et donc, aussi, percevoir quelle peut être la souffrance de ceux, parmi les prêtres, qui en sont empêchés pour diverses raisons, comme par exemple, les situations de persécution ou de guerre, la maladie ou d’autres situations tragiques. L’eucharistie est réellement le cœur de ce qui fait la raison d’être de notre mission. Elle est la célébration dans laquelle apparaît le plus notre mission de rassembler le Peuple de Dieu, en signe de la vocation de toute l’humanité à la communion éternelle en Dieu dans son Royaume.

Le génie de la messe, à cet égard, c’est que, normalement, les gens ne viennent pas pour voir un prêtre qui ferait son show, mais pour le Christ Jésus. C’est Lui qui construit le Royaume de Dieu en attirant les foules. Les prêtres n’ont pas d’autre mission que de signifier que c’est Jésus-Christ qui rassemble l’Eglise par sa Parole et non pas l’Église qui se rassemble —comme on le chante parfois d’une façon impropre. L’Eglise ne se rassemble qu’à l’appel du Christ. "Le Peuple de Dieu, enseigne Prebyterorum ordinis, est rassemblé d’abord par la Parole du Dieu vivant qu’il convient d’attendre tout spécialement de la bouche des prêtres" (P. O. 4). La première mission du prêtre est d’annoncer l’Évangile. De ce fait, il est stimulé à le méditer, à y puiser la sève de sa prédication, à y découvrir à chaque fois des lumières nouvelles, à travailler et étudier sans cesse pour approfondir sa compréhension des cultures des personnes à qui il doit s’adresser et pour développer sa connaissance de la théologie. C’est un immense bonheur d’approcher de toutes ces manières la vérité du Christ ! Quelques échos du retentissement de la Bonne Nouvelle dans le cœur de ceux à qui nous l’annonçons ou avec qui nous partageons nos réflexions nous sont parfois donnés. C’est, là aussi une immense joie !

En outre, chaque fois qu’il nous est donné de réconcilier des personnes, de réunir des gens qui auraient toutes les raisons de ne pas se rencontrer, de conduire à Jésus-Christ des pécheurs, des pauvres, des malades, des êtres exclus ou dispersés dans n’importe quelles "périphéries existentielles", c’est aussi une grande joie.

Ces joies retentissent dans notre messe quotidienne et dans le rayonnement, visible ou pas, de notre ministère. Pour l’Église, la mission de communion prépare l’avènement glorieux du Christ, roi de l’univers qui vient rassembler tous les hommes dans la maison du Père. Pour le monde, l’unité du genre humain est une utopie mais aussi un désir profond, une attente et l’Eglise catholique est connue et reconnue pour la capacité de rassemblement et de stimulation du dialogue entre les cultures les plus diverses.

Quelles que soient les difficultés, le prêtre n’est pas seul pour sa mission de renouer les liens brisés et de rassembler le Peuple de Dieu, en préfiguration de la communion éternelle de toute l’humanité dans le Christ Roi de l’univers. Le prêtre agit en lien avec de nombreuses personnes dont l’Esprit Saint a fait des artisans de paix et d’unité.

Cher Jean-Baptiste, vivez également votre ministère de communion en fraternité avec le presbyterium (l’ensemble des prêtres du diocèse autour de l’évêque). Ainsi votre ministère de communion sera vraiment crédible. Par l’imposition des mains de chaque prêtre présent, les prêtres vont vous donner un beau signe d’accueil. Chacun devra continuer à fortifier les liens entre prêtres. Les prêtres n’ont pas tous les mêmes manières de faire mais cette diversité, vécue dans le respect et l’estime mutuelle, en travaillant ensemble à une vision commune, n’est pas un obstacle à la fraternité. Elle apporte d’ailleurs à nos contemporains une variété de portes d’entrée dans l’unique mystère du Christ qui fait notre joie, chaque jour : la joie de donner gratuitement notre vie par amour à l’image de Jésus, la joie d’accueillir la Parole de Dieu qui nous donne de répandre la paix.

Ces joies sont offertes à tout homme que Dieu appelle à devenir prêtre. Chaque jeune homme doit s’interroger : suis-je appelé à cette joie-là ? Il existe des milliers de chemins de bonheur dans notre monde où germe et grandit le Règne du Christ. Mais aujourd’hui je souhaite faire entendre cet appel particulier : l’Église a besoin de prêtres pour témoigner de la royauté du Christ qui "nous aime, nous a délivrés de nos péchés par son sang et a fait de nous un royaume et des prêtres pour Dieu son Père. A lui, la gloire et la souveraineté pour les siècles de siècles. Amen" (Ap 1,5-6).

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