Transfiguration

Dimanche 6 août 2023, cathédrale de Cahors

Mes frères et sœurs,

L’Évangile de saint Matthieu décrit de façon sobre Jésus transfiguré. « Son visage brillant comme le soleil », « ses vêtements, blancs comme la lumière » (Mt 17,2). Les trois disciples présents sont impressionnés. Ils ont conscience qu’il se passe quelque chose comme une manifestation de Dieu, un dévoilement de sa splendeur extraordinaire presque insupportable pour nos yeux, aveuglante. Et ils en sont comme écrasés, ils tombent à terre, mais Jésus leur dit « Relevez-vous et soyez sans crainte ! »

Plus tard, l’Apôtre Pierre, dans sa seconde lettre dont nous avons entendu un extrait, décrira ce que voir Jésus transfiguré a produit en eux : la conscience d’avoir été « témoins oculaires de sa grandeur » (2 P 1,16). Dieu est magnifique, lumineux. A la Transfiguration, une voix s’est faite entendre : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé en qui je trouve ma joie, écoutez-le » (Mt 17,5). Là aussi, Pierre s’en souvient et il le confirme dans sa lettre : « cette voix venant du ciel, nous l’avons nous-mêmes entendue quand nous étions sur la montagne sainte ». « Celui-ci est mon Fils, mon bien-aimé ; en lui, j’ai toute ma joie ». Dieu est amour, Dieu est joie.

Mais également, Dieu nous parle en son Fils bien-aimé qui le réjouit. « Ecoutez-le » dit l’évangile. « Et ainsi se confirme pour nous la parole prophétique, dit saint Pierre ; vous faites bien de fixer votre attention sur elle comme sur une lampe brillant dans un lieu obscur… » Alors, mes frères, depuis les obscurités de nos pauvres vies terrestres, comment pouvons-nous écouter davantage le Fils bien-aimé et réjouissant de Dieu ? Et bien, il se trouve justement que nous avons la chance d’entendre sa parole proclamée dans son Église. Quand la parole de Dieu est annoncée, spécialement dans la liturgie de l’Église, c’est vraiment la voix du Fils de Dieu qui continue de se faire entendre. Bien sûr, nous pouvons chacun lire la bible en privé, ou écouter des podcasts ou des émissions qui lisent des textes bibliques. Mais c’est en participant, en Église, rassemblés en son nom, à la célébration de la mort et de la résurrection du Christ que Jésus est là au milieu de nous et que sa parole nous est le plus fortement adressée. C’est là, plus que nulle part ailleurs, que nous pouvons l’écouter véritablement et être éclairés par sa parole prophétique. Quand nous avons entendu l’évangile proclamé à la messe, nous disons ensuite « louange à toi Seigneur Jésus ». Car, réellement, cette annonce liturgique de l’évangile nous met en présence de Jésus et c’est à lui que nous nous adressons : « louange à toi » !

C’est depuis cette réalité, à partir de cette présence régulière de la lumière du Christ dans le temps de notre vie ordinaire, que nous pouvons entendre et, mieux, écouter le Christ nous parler. Alors nous percevons qu’il éclaire notre obscurité. La pratique régulière de la messe n’est pas d’abord un exercice de fidélité pour devenir des champions de la prière. Elle n’est pas non plus une option pour les jours où nous en avons envie ou les moments où nous nous sentons attirés. La pratique religieuse est, en revanche, surtout faite pour que notre vie quotidienne reçoive du Christ sa lumière. Nous venons avec notre réalité la plus humble ou nos succès du moment, avec nos peines et nos joies, avec les préoccupations familiales, professionnelles, sociales du moment et nous les déposons devant le Seigneur qui, par sa parole, vient éclairer, illuminer tout cela, lui donner un sens et l’habiter de sa présence aimante et réjouissante. La liturgie de l’Église est donnée pour sanctifier nos vies de tous les jours et c’est pourquoi nous y sommes invités de façon la plus régulière possible.

Si nous venons à la messe avec un cœur vide, sans désir, sans attente, avec seulement notre ennui, avec des éléments de vie que nous pensons inintéressants pour le Seigneur, peut-être repartirons-nous aussi sans joie et sans avoir senti que Dieu nous aime, sans aucune impression d’avoir été illuminés par la parole du Christ, en fait, sans l’avoir écouté ! Mais la réalité est que Dieu nous a adoptés comme ses fils et nous aussi, nous sommes ses fils bien-aimés. Alors même notre ennui, même ce qui nous semble a priori inintéressant ou sans valeur aux yeux de Dieu a pour Lui, pour Dieu qui nous aime tant, une immense valeur. Nous pouvons tout remettre entre ses mains et Lui demander vraiment d’éclairer notre vie, car il y trouve sa joie. Si Dieu trouve sa joie dans notre vie, il me semble que cela éclaire en profondeur le sens de notre existence, même la plus ordinaire. Et la parole du Seigneur porte en elle quelque chose qui va nous éclairer et nous guider réellement. Ne croyons jamais, alors, que nous allons repartir sans rien, même si parfois, nous avons pu faire l’expérience d’avoir peu intériorisé une célébration à laquelle nous avons cru seulement avoir « assisté ». Si Dieu nous dit d’écouter son Fils bien-aimé, son Fils qui fait sa joie, c’est bien parce qu’il est en train de nous dire quelque chose, de semer en nous une parole vivifiante. Peut-être n’allons-nous pas en avoir pleine conscience, mais cette parole, si au moins une petite part de nous-mêmes l’a entendue, va agir dans nos cœurs, elle ne demande qu’à germer et porter du fruit. L’ensemble des paroles de la messe vient du Seigneur et même les rites, spécialement les gestes principaux de la consécration et du partage du pain de vie sont des paroles du Christ, des communications de l’amour de Dieu pour nous, des manifestations du Verbe incarné qui se rend présent pour nous. Écouter le Christ, c’est se laisser rejoindre, se laisser toucher par lui, se rendre simplement disponibles, avec ce que nous sommes, avec notre simple bonne volonté. Et Lui, avec la force de l’Esprit Saint, est capable de tout transfigurer et de donner son vrai sens à toute notre existence.

L’Évangile de la Transfiguration ne fait pas seulement entendre la consigne « Écoutez-le ! ». Il contient aussi deux paroles de Jésus, très simples et très fortes qui résument d’ailleurs tout son message. Les disciples sont à terre, effrayés et Jésus s’approche et les touche —de même qu’il s’approche de nous et nous touche dans la célébration des sacrements. Puis, il dit ces deux simples paroles : « Relevez-vous et soyez sans crainte ! » Tout l’évangile est là ! Tout le message de Jésus. Il y a tant de choses qui nous mettent par terre et, parfois même, notre quête de Dieu nous laisse dans un sentiment de trouble ou une impression d’échec, nous sommes effrayés par notre manque d’amour, la faiblesse de notre ferveur la peur de mal agir… ou encore, nous sommes découragés et tentés de fuir nos engagements, de perdre le goût de servir nos frères parce que toutes sortes de difficultés surgissent… Mais c’est alors que Jésus nous touche et nous dit « relève-toi, n’aie pas peur ! » Dans son message aux jeunes des JMJ, le pape François insistait hier soir sur cette importance de se relever et d’aider les autres à se relever. Ce mouvement vers le haut et cet appel à la confiance, « soyez sans crainte ! », sont vraiment au cœur du message de Jésus. Écoutons-le !

Mes frères et sœurs, Jésus est le Seigneur, le Fils bien-aimé du Père en qui Il trouve sa joie. Cet amour et cette joie divine nous sont communiquées parce que nous avons été unis au Christ dans le sacrement du baptême et que la parole de l’évangile a retentit pour nous dans l’Église. Écoutons-le, laissons-nous toucher et sa lumière brillera pour nous, relevons-nous et soyons sans crainte, « jusqu’à ce que l’étoile du matin se lève dans nos cœurs » (2 P 1,19).

Amen.

+ Laurent Camiade
Evêque du diocèse de Cahors

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