La pratique du Yoga, est-ce bon ou mauvais pour les chrétiens ?

Une fiche simple pour discerner

Fiche de la Conférence des Evêques de France :
"Observation des nouvelles croyances"

Fiche pastorale LE YOGA

 Quelques éléments d’histoire :

Le yoga repose sur une tradition hindoue multimillénaire. Dès ses débuts, le yoga s’est présenté comme une école philosophique centrée sur la pratique de la méditation. Les Yoga-Sutra de Patanjali (200-150) furent compilés entre le IIe siècle avant et le Ve siècle après Jésus Christ. Ces textes-sources du yoga ne comportent aucune mention de postures et définissent le yoga comme « l’arrêt – la suspension – des fluctuations du mental ». Le XIXe siècle vit l’Occident porter un intérêt croissant aux formes de méditation venues d’Orient.

La pratique actuelle mêlant respiration et postures fut revisitée et adaptée en 1924 par Tirumalai Krishnamacharya (1888-1989), à Mysore en Inde, pour faciliter l’expansion du yoga qui, peu à peu, concurrencera la gymnastique suédoise très en vogue à l’époque. La contre-culture des années 1960 contribua elle aussi à l’expansion du yoga en Occident, grâce à un puissant marketing toujours actuel, et à l’influence de stars réputées comme les Beatles. Le yoga s’est déployé à travers l’histoire selon diverses écoles. Celui que l’on connaît majoritairement en Occident – le Hatha Yoga – n’est pas le reflet d’une prétendue sagesse indienne multiséculaire, mais le fruit d’hybridations plus ou moins récentes. Un des premiers traités évoquant les postures, « La petite lampe du Hatha-yoga » (Hatha-Yoga-Pradipika), date du XVe siècle.

En dehors de la pratique majoritaire du yoga, il existe aussi le Bhakti Yoga où est recherché l’amour dans son essence, le Tantra Yoga parfois dévoyé, le Karma Yoga ou yoga des œuvres, etc. Sans compter les multiples combinaisons possibles de ces diverses formes de yoga.

 Description :

Le terme yoga est un mot sanskrit qui signifie « lier, mettre ensemble », à l’image du joug porté par les bœufs. Le yoga vise à unir l’âme et le corps pour offrir l’accès à un état de paix et d’harmonie avec soi-même, avec le monde visible et invisible. Dans sa source indienne, il est une philosophie de vie, une sagesse et comporte une dimension religieuse. Celui qui est connu en Occident est davantage une pratique empirique et posturale, accompagnée d’un travail de respiration, dans un but de recueillement (rassembler son être dispersé), d’intériorisation (en vue éventuellement de conduire à la méditation) et/ou de relaxation.

D’un point de vue moderne et occidental, le yoga peut être considéré comme une gymnastique douce, non élitiste en s’adaptant à chaque pratiquant. Dénué de tout esprit de compétition et d’objectif à atteindre, n’importe qui peut s’y adonner, quel que soit son âge, son état de santé, sa religion, etc.

Le yoga est une philosophie ouverte : toutes les convictions, religieuses ou humanistes, peuvent y trouver leur compte. L’essentiel est la cessation des perturbations du psychisme, le respect d’autrui, la paix et la non-violence.

 Points de rencontre avec la foi chrétienne :

Le yoga valorise la place du corps en vue du bien-être personnel et d’une relation paisible à soi, à l’autre, à Dieu dans la prière. Le christianisme est la religion de l’incarnation qui invite à prendre soin de son corps et à incarner la spiritualité dans le corps. Le Christ ne se serait pas incarné si le corps n’était pas appelé au salut. Le yoga peut aider à être en relation et en confiance avec soi-même, les autres et son environnement.

Le souffle tient une grande place dans le yoga. On dit en Inde, lorsque l’on naît, qu’un certain nombre de respirations est alloué à chacun : le but est de les étirer. D’où un travail du souffle consistant à inspirer, à suspendre son inspiration – poumons pleins –, puis à expirer, autrement dit à vider ses poumons pour être dans une disposition d’accueil. La respiration dans le yoga est aussi l’occasion d’apprivoiser la fin d’un souffle et de rester dans le calme jusqu’à recevoir le suivant. Pour les chrétiens, le souffle renvoie à l’Esprit Saint qui nous donne de prier (cf. Galates 4, 6 ; Romains 8, 15).

Le yoga peut être une pratique préparatoire à la prière, notamment à travers les postures physiques, la respiration et la méditation. L’être entier – corps et souffle – est en effet engagé dans la prière. Notons que les postures ne consistent pas d’abord à faire des acrobaties.

Aussi, le yoga peut être un chemin de réconciliationavec soi, avec son corps. Par ailleurs, il s’appuie sur un certain nombre d’observances à respecter : non-violence, ne pas nuire, tempérance, hygiène de vie… Certains témoignent que la pratique du yoga les a ramenés vers l’Église.

 Points d’attention :

Le yoga n’est pas exempt d’instrumentalisation. Il est utilisé aujourd’hui comme moyen de pression (softpower) par les nationalistes hindous. En rendant sa pratique obligatoire en Inde, accompagnée de chants sacrés, le yoga devient un outil de prosélytisme politique et religieux. Les mises en garde de la Conférence des évêques catholiques d’Inde portent moins sur le yoga lui-même que sur ce détournement politique.

Bien qu’il fut en quelque sorte « laïcisé » pour pouvoir être exporté en Occident, le yoga n’en conserve pas moins une dimension spirituelle. Le yoga demeure une « pratique de l’esprit » avec ce que cela suppose de risques de manipulation ou d’emprise chez les personnes en situation de fragilité et de faiblesse.

Des précautions sont à prendre : s’il est avéré que la pratique du yoga réduit l’anxiété et les risques cardio-vasculaires, ses effets psychosomatiques peuvent ébranler des aspects sensibles de la personne et les faire remonter à la surface.

Le développement des applications et de la e-santé sur Internet favorise un déploiement massif du yoga dans le quotidien. Cela touche aux modes de vie : rythmes et alimentation. Le meilleur côtoie le pire : « On peut vite tomber sur des pseudo-gourous qui vont donner des conseils farfelus ou entraîner dans des relations malsaines », constate Ysé Tardan- Masquelier, ancienne présidente de la Fédération nationale des enseignants de yoga.

Le yoga nous est revenu des États-Unis par des gourous. Il n’est pas toujours exempt de techniques de marketing dans un but mercantile.

Le yoga se transmet d’individu à individu, de maître à « initié ». Un lien privilégié peut s’instaurer entre l’enseignant – le yogi – et ses disciples avec toutes sortes de déviances de la part de gourous mal intentionnés.

Le yoga est une voie de liberté intérieure. Il n’y a aucune obligation de chanter des mantras associés avec les noms de divinités hindoues. Toute injonction à s’habiller de telle manière, à mettre telle couleur, ou toute promesse d’atteindre un état particulier… ne peuvent être que des formes de charlatanisme, voire les signes avant-coureurs d’une manipulation.

La pratique du yoga ne nécessite ni tapis, ni accessoires : seuls suffisent le corps et le souffle. En effet, le yoga cherche à avoir un impact positif sur le mental et la santé physique. La recherche du bienêtre et de la relaxation n’implique pas forcément l’adhésion à une foi ou à des croyances.

 Perspectives spirituelles :

Le yoga peut être considéré comme une aide à la vie chrétienne et à la pratique méditative. Le travail postural peut être envisagé comme une préparation à la prière. Notre être entier – corps et souffle – est en effet engagé dans la relation au Christ.

La méditation dans le yoga comprend deux dimensions : la concentration sur un « objet » (être présent au présent) et le lâcher-prise (s’abandonner à ce qui vient). Cette technique peut devenir le terreau de l’accueil de la Parole de Dieu et du dialogue avec Lui.

Dans sa pleine compréhension, le yoga n’est pas dénué d’éthique. Passant par une connaissance de soi, lucide et avec discernement, il ne devrait en rien être une démarche égocentrique et toute puissante, mais au contraire permettre l’ouverture, en confiance, vers les autres. Si le yoga vise une progression de soi, celle-ci va-t-elle vers plus de charité ? Est-elle totalement désintéressée ? Estelle une recherche autocentrée ?

Que ce soit dans la pratique collective (la relation aux autres pratiquants) ou dans la relation au Christ, le yoga ouvre-t-il à l’altérité et à la réalité communautaire ?

L’Observatoire des nouvelles croyances
présidé par Mgr Vincent Dollmann, archevêque de Cambrai.
Octobre 2023

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