Mgr Turini, homélie prononcée lors de la messe chrismale

Sœurs et Frères,

Lorsque le Pape François nous parle des pauvres il les présente comme la chair du Christ qu’il nous invite à toucher réellement.
D’ailleurs dans l’Evangile qui vient d’être proclamé, il nous faut prendre les paroles de Jésus au premier degré.
Jésus est allé directement à la rencontre des aveugles, des possédés, des paralysés, des estropiés, des captifs et des pauvres. Il ne les a pas guéris ni délivrés, ni soulagés de loin. Il est allé à leur contact au sens physique du terme. Il a voulu qu’ils soient un avec Lui.
C’est en leur parlant et en les touchant qu’il a exercé sa force de guérison, de délivrance.
Il a touché la misère humaine sous toutes ses formes et il s’est laissé toucher par elle, il n’y a qu’à penser à la femme hémorroïsse, par exemple.
C’est cela la Bonne Nouvelle annoncée aux pauvres. Ce ne sont pas des paroles grandiloquentes ou condescendantes, mais une Bonne Nouvelle qui se voit et se vit, se répand à travers les paroles et les gestes de Jésus, parce qu’il redresse, relève, remet sur pieds l’homme la femme, malade, exclue, maltraité : « Lève–toi et marche ! ». Et là, nous sentons la proximité du Royaume très concrètement. Nous le touchons aussi dans ce relèvement de l’humanité blessée, affaiblie, écrasée mais soulevée dans sa chair et dans son cœur par la force d’amour de Jésus. Ainsi nous comprenons que dans le Royaume de Dieu toute personne humaine a égale dignité avec les autres.
Le Pape François l’exprime bien mieux et plus simplement que moi quand il nous dit : « La proclamation de l’Evangile sera une base pour rétablir la dignité de la vie humaine, parce que Jésus veut répandre chez nous la vie en abondance ».
Oui, Jésus se fait la force des faibles pour leur apporter la beauté de l’amour salvifique de Dieu qui se manifeste dans sa mort et sa Résurrection et ouvre les portes du Royaume.
Jésus comme nous l’avons entendu au début de cet Evangile a reçu la force de l’Esprit : « L’Esprit du Seigneur est sur moi ». Il l’a reçu pour accomplir sa mission
par la puissance de Sa Parole et celle de ses actes
par la puissance de son enseignement et de ses guérisons.
C’est son programme missionnaire : d’être pour tous force de Vie.
Le Pape François nous met en garde : « Parfois, nous sommes tentés d’être des chrétiens qui se maintiennent à distance des plaies du Seigneur. Pourtant Jésus veut que nous touchions, comme Lui, la misère humaine, la chair souffrante des autres. Fermer les yeux sur son prochain, rends aussi aveugle devant Dieu ».

En ce sens cette Messe chrismale a une haute signification à travers ses symboles, un grand sens spirituel, missionnaire et pastoral.
En effet à la fin de notre célébration, nos frères prêtres repartiront avec les saintes huiles et le Saint-Chrême que je vais bénir et consacrer.
Avec l’huile des malades, ils toucheront la chair souffrante de leurs frères et de leurs sœurs pour qu’ils reçoivent la force du Christ.
Avec l’huile des catéchumènes, ils toucheront celles et ceux qui cheminent vers le baptême, pour que le Christ les accompagne et les aide à combattre tout ce qui, en eux, peut s’opposer à Lui. (6 catéchumènes de notre diocèse seront baptisés à la Vigile Pascale)
Avec le Saint-Chrême, prêtres, évêque, nous toucherons le front des baptisés, des confirmands, des ordinants pour qu’ils soient marqués de l’onction Sainte afin que les dons de l’Esprit s’exercent en eux et qu’ils en répandent les fruits en abondance.
Les sacrements forment la main du Christ qui touche les membres de Son Eglise pour en recevoir sa force et ses grâces. L’Eglise qui en bénéficie, est appelée à son tour par le Christ, à être ses mains, aujourd’hui, pour toucher les blessures de l’humanité, soigner ses plaies comme le Bon Samaritain qui panse les plaies du moribond en y versant de l’huile et du vin. Car cette Bonne Nouvelle que nous venons d’entendre, c’est aujourd’hui qu’elle s’accomplit.
Le diacre nous rappelle ce lien indissoluble entre le service du Christ à l’autel et le service du Christ dans les pauvres. « Quelle utilité à ce que la table du Christ soit chargée de coupes d’or quand il meurt de faim… Tu honores l’autel qui reçoit le corps du Christ et tu méprises celui qui est le corps du Christ.
Cet autel-là, partout il t’est possible de le contempler dans les rues et sur les places, et à toute heure tu peux y célébrer ta liturgie. »
Don Helder Camara répondait ainsi à une communauté de Récife qui lui demandait de venir célébrer une messe pour faire réparation d’hosties profanées : « Je viendrai faire réparation mais sachez que l’hostie est aussi profanée chaque jour parmi les pauvres… ».
En préparant mon homélie, j’ai repensé à une question que l’évêque consécrateur m’a posé au jour de mon ordination : « Veux-tu accueillir avec amour, au nom du Seigneur, les pauvres, les étrangers et tous ceux qui sont dans le besoin ? ». Je vous l’avoue, je me suis fortement interrogé sur leur présence concrète dans ma vie en me demandant : « Comment je touche les pauvres et comment je me laisse toucher par eux, alors que le Pape François dans Evangéliii Gaudium nous redit que : « l’option préférentielle pour les pauvres doit se traduire principalement par une attention religieuse privilégiée et prioritaire ».
Chers Frères prêtres, en renouvelant les promesses de votre ordination, vous allez témoigner devant le Peuple chrétien de votre attachement et de votre fidélité au Christ que le Père a consacré par l’onction pour annoncer la Bonne Nouvelle aux pauvres. Le Concile nous rappelle que : « par l’ordination et la mission reçue des évêques, les prêtres sont mis au service du Christ : ils participent à son ministère, qui de jour en jour construit ici-bas l’Eglise pour qu’elle soit Peuple de Dieu ».
Par la grâce du sacrement de l’Ordre, le Christ nous donne la force de participer à son ministère de Grand-Prêtre. Cette force n’est pas une démonstration de puissance pour écraser, soumettre, dominer, mais à l’image du Christ elle est force d’amour, de tendresse, de douceur, de miséricorde. Elle est comme l’huile qui adoucit, pénètre pour aller fortifier ce qui est faible et soulager le mal, la misère et la souffrance par la Parole, les sacrrments, la charité.
Je souhaiterais qu’ensemble nous mesurions les conséquences de ces paroles du Pape François pour les communautés qui nous sont confiées : « Toute communauté de l’Eglise, dans la mesure où elle prétend rester tranquille sans se préoccuper de manière créative et sans coopérer avec efficacité pour que les pauvres vivent avec dignité et pour l’intégration de tous, court aussi le risque de dissolution, même si elle parle de thèmes sociaux ou critique les gouvernements ».
A cette étape de notre vie diocésaine, nous cherchons à nous donner des repères pour le présent et l’avenir de nos communautés chrétiennes.
Je crois que le premier repère à nous donner passe par l’accueil des plus faibles, des plus fragiles, de ces hommes et femmes de toutes générations qui sont touchés par les maux de la crise qui se nomment précarité, solitude, chômage, exclusion, sans domicile fixe, séparations, etc…
C’est dans cet esprit que les délégués solidarité de nos groupements paroissiaux ont travaillé, stimulé par l’opération Diaconia 2013 et le grand Rassemblement à Lourdes où les pauvres avaient droit à la parole au même titre que tous. « Personne n’est trop pauvre pour n’avoir rien à dire » a-t-on entendu à cette occasion.
Nos rencontres fraternelles belles et riches nous ont poussés au partage entre nous, mais aussi à vous écrire, à interpeller notre église diocésaine. De cette réflexion sont sortis une lettre aux communautés chrétiennes du Lot, et une déclaration d’engagement qui vous sera lue à la fin de la messe chrismale.
Nous avons senti qu’il était de notre devoir de le faire et que nous ne pouvions pas ne pas parler de ce qui nous a touchés, marqués et bouleversés. Nous nous sommes dit que si nous ne le faisons pas nous serions irresponsables.
Alors vous repartirez avec ces textes dont le but est de demander à chaque groupement paroissial de bâtir un projet solidarité pour toucher la chair souffrante du Christ dans nos familles paroissiales..
La déclaration d’engagement en précise le but,
La lettre aux communautés, la mise en œuvre.
Une Eglise qui prend soin des plus fragile et reconnaît leur place en son sein, change de visage et prend celui de la fraternité. Ainsi il s’agit moins de s’occuper des pauvres que de vivre avec eux la joie de l’Evangile.
Alors la prophétie d’Isaïe ; accomplie en Jésus, actualisée aujourd’hui dans Son Eglise, ne se démentira pas, parce qu’à travers ses membres, la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres, les captifs sont délivrés, les aveugles voient, les opprimés sont libérés. Le Pape émérite Benoit XVI disait : « Il n’y aura jamais une situation dans laquelle on n’aura pas besoin de la charité de chaque chrétien ».

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