Jubilé de Sœur Marie-Ange du Sacré Cœur

Samedi 15 juillet 2023. Carmel de Figeac.

 Homélie de Mgr Laurent Camiade :

Mes sœurs, chers amis,

Jésus est le chemin, la vérité et la vie. C’est par lui que nous devons passer, toujours et à chaque moment de nos vies sur cette terre, pour finir un jour par contempler sa gloire dans le ciel auprès du Père, s’il nous en donne la grâce.

Il n’y a rien d’autre à chercher en ce monde que Jésus-Christ. Même à Philippe, qui cherche à voir le Père, Jésus répond comme un reproche : « il y a si longtemps que je suis avec vous, et tu ne me connais pas Philippe ! » Philippe cherchait peut-être à faire le malin, à viser toujours plus haut, à montrer qu’il avait de grands désirs surnaturels : « montre-nous le Père et cela nous suffit ». C’était l’idée qu’il s’était faite de la vie spirituelle. Mais il a pu découvrir par là qu’il n’y a pas d’autre chemin vers le Père que Jésus-Christ. Mieux, depuis le début, Jésus-Christ qui marchait avec ses disciples n’avait rien fait d’autre que de leur faire connaître le mystère du Père, parce qu’il est le Fils unique, vrai Dieu né du vrai Dieu, consubstantiel au Père, en le regardant lui, on voit le Père, on découvre le Père, le Père se révèle tout entier en son Fils, mieux, il nous donne accès auprès de Lui en son Fils. Et cet accès auprès du Père se continue pour nous aujourd’hui, à travers la parole de Jésus qui retentit dans l’Église comme à travers les sacrements, tout cela, par la puissance du Saint-Esprit.

L’oraison silencieuse, qui est l’activité principale des carmélites, consiste justement à laisser l’Esprit Saint que nous avons reçu au baptême, nous donner de contempler véritablement Jésus, en qui nous avons accès au Père. Sainte Thérèse d’Avila commandait à ses sœurs de se mettre en présence de Jésus-Christ et, spécialement, de « s’attacher très amoureusement à sa sainte humanité » (V 12,2). Et comment s’attacher amoureusement à Jésus ? Il le dit lui-même à Thérèse : « “Sais-tu ce que c’est que m’aimer véritablement ? C’est comprendre que tout ce qui ne m’est pas agréable n’est que mensonge.[…] Par là, je compris ce que c’est que de marcher dans la vérité, en présence de la Vérité. Et Notre Seigneur me fit connaître qu’il est lui-même la Vérité » (V 40,1-2). Les visions du Christ dont elle a bénéficié l’ont conduite à voir le Père à travers son Fils incarné. Ainsi décrit-elle son expérience : « Je vis alors la très sainte humanité [de Jésus] dans un excès de gloire où je ne l’avais encore jamais contemplée. Par une connaissance admirable, Jésus Christ se fit voir à moi reposant dans le sein du Père. » (V 38,17).

« Qui me voit, voit le Père », disait Jésus dans l’Évangile de saint Jean. Mais, la plupart d’entre nous, je suppose, n’a pas bénéficié des mêmes grâces et visions que sainte Thérèse pour que cet évangile devienne ainsi une évidence à ses yeux. Peut-être nous arrive-t-il de ressentir surtout nos difficultés et nos lourdeurs sur ce chemin par lequel nous essayons de nous attacher amoureusement à la sainte humanité de Jésus. Parfois, c’est l’impression du vide ou de la distance qui peut nous accaparer. Thérèse d’Avila a, elle aussi, bien connu ces sècheresses et ces paradoxes de la foi qui a besoin de purifications pour s’abandonner vraiment entre les mains du Seigneur, pour devenir réellement docile à l’action de l’Esprit Saint. Ce qui compte, alors, c’est de se relever et de persévérer.

Mais il existe bien des manières pour Jésus de manifester sa sainte humanité. Les sacrements de l’Église et sa parole proclamée, en tout premier lieu, sont les manifestations les plus habituelles et données à tous de la beauté et de la gloire de Jésus qui repose dans le sein du Père. Vivre avec intensité et ferveur chaque célébration de l’Église, écouter attentivement la parole, comme Marie de Béthanie (cf. Lc 10,39) qui nous montre cet exemple de « se tenir aux pieds de Jésus-Christ » (V 22,12), sont des efforts que nous pouvons faire et des grâces que nous pouvons tous demander. Mais la vie nous offre aussi mille occasions au quotidien pour manifester de l’affection à Jésus et pour le voir apparaître reposant dans le sein du Père : sourire à une sœur, poser un acte de charité et de service, pardonner un mouvement d’humeur, renoncer à un plaisir personnel pour en offrir un à quelqu’un d’autre… dans tous ces gestes à la portée de chacun au quotidien, Jésus-Christ peut se donner à rencontrer, puisque tout ce que nous avons fait aux plus petits, c’est à lui que nous l’avons fait (cf. Mt 25,40). Et si, même nos épreuves, même nos souffrances, nous savons les voir comme des occasions de communier aux souffrances et aux peines de Jésus-Christ, si nous parvenons, par-delà la répulsion naturelle que nous avons bien le droit d’éprouver, à aimer nos croix, quelle intimité avec Jésus aurons-nous ! Quelle connaissance aurons-nous de l’amour du Père ! Quelle joie surnaturelle en éprouverons-nous !

Ce qui compte, par-dessus tout, pour rester en présence de l’humanité de Jésus, c’est comme le dit saint Paul dans la lettre au Ephésiens, de « rester enracinés dans l’amour, établis dans l’amour ».

25 ans de consécration religieuse, ce jubilé que nous célébrons aujourd’hui est le signe d’une vie donnée, en vue de cet enracinement dans l’amour du Christ. C’est donc ce que nous pouvons vous souhaiter, et demander pour vous en ce jour, sœur Marie-Ange du Sacré-Cœur, restez enracinée dans l’amour, établie dans l’amour et, en regardant ainsi les manifestations multiples de la sainte humanité de Jésus, vous aurez accès auprès du Père, pour la vie éternelle.

Amen.

+ Mgr Laurent Camiade
Evêque du diocèse de Cahors

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