Lettre Pastorale de Mgr Camiade : "Assemblés pour être envoyés"

Juin 2021

Chers diocésains,

« Là où deux ou trois sont assemblés en mon nom, je suis au milieu d’eux » (Mt 8,20) dit Jésus. L’Évangile nous apprend aussi qu’il a établi ses apôtres « pour être avec lui et pour les envoyer » (Mc 3,14). Quand il envoie des missionnaires, il les choisit, il les appelle, les enseigne pour qu’ils soient en pleine communion avec lui et puis, il les envoie « deux par deux » (Mc 6,7). Un des thèmes forts de l’Évangile est la fraternité, la fraternité vécue. Dans la vie humaine, la fraternité connaît ses difficultés comme pour le frère aîné du fils prodigue qui n’accepte pas que le Père tue le veau gras pour son frère qui a dilapidé égoïstement la moitié de la fortune familiale (cf. Lc 15,28), ou comme pour cet homme qui demande à Jésus d’intimer à son frère de partager l’héritage que son aîné a accaparé (cf. Lc 12,13). Jésus lui-même ne se laisse pas accaparer par ceux qui se revendiquent comme « ses frères », probablement parce qu’ils ont grandi avec lui à Nazareth et ont été ensemble à l’école rabbinique, ce qui nous vaut cette belle parole, en laquelle nous pouvons voir un appel qui nous concerne : « Qui sont mes frères ? [...] Quiconque fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux, celui-là est mon frère, et ma sœur, et ma mère » (Mt 12,48.50).

Des fraternités missionnaires

La charte des paroisses de notre diocèse, promulguée le 9 décembre 2017, souligne que la vie chrétienne locale, centrée sur l’eucharistie et soutenue par des services divers (catéchèse, liturgie, deuil, malades, pauvres et convivialité) se déploie dans les familles, mais aussi, grâce à des relais fraternels, dans des fraternités locales ou d’autres fraternités liées à des instituts religieux ou des mouvements ou associations de fidèles. Je souhaite encourager ici, spécialement pour les années qui viennent, la notion de « fraternité locale missionnaire ». La charte des paroisses définit ainsi la « fraternité locale missionnaire » : un petit groupe de chrétiens en rural ou dans un quartier, qui s’engage à une vie chrétienne plus intense. Ils organisent (à d’autres moments que la messe dominicale) dans l’église (en accord avec leur curé) ou dans un domicile, des temps de prière ou de partage autour de la parole de Dieu. L’expérience montre que, si des chrétiens réunis au nom de Jésus passent du temps ensemble et s’encouragent à vivre davantage l’Évangile en se préoccupant du monde qui les entoure, cela rayonne et cela devient missionnaire. Très vite on en voit des fruits, d’abord par le soutien de la foi, de l’espérance et de la charité de ceux qui se réunissent ainsi mais aussi par l’impact que leurs rencontres régulières ont sur l’entourage, sur la vie du village ou du quartier, par les éventuelles initiatives que l’Esprit Saint va inspirer à ce groupe (visites de malades ou d’autres personnes, liens qui se consolident, changement de regard, réconciliations entre voisins, etc.). En revanche, si quelques-uns, même très généreusement, accaparent toutes les tâches en un lieu, les autres se sentent exclus de la fraternité. S’il y a une personne, même gentille et très serviable, qui devient incontournable parce toujours disponible et apparemment capable de faire beaucoup mieux que les autres, tout le monde se défausse sur cette personne (que ce soit un prêtre, un diacre ou une personne laïque) et la communauté chrétienne se démobilise ou parfois même connaît des dysfonctionnements plus ou moins graves. Car c’est lorsque l’Église vit la fraternité, l’amour entre frères et sœurs, qu’elle témoigne du Père et fait le plus Sa volonté.

Au conseil pastoral diocésain, nous avons réfléchi sur les conditions pour qu’une fraternité chrétienne soit missionnaire. Un point est revenu plusieurs fois : l’importance d’accepter la diversité des personnes présentes, de permettre à chacun d’apporter sa pierre à la prière commune, en fonction de sa sensibilité et de son expérience religieuse. Ensuite, il importe de prendre conscience ensemble de ce qui a attiré ces personnes à venir dans l’église prier en fraternité : il y a toujours là un mouvement intérieur qui vient de plus loin que les idées ou les goût personnels de chacun, mais qui vient du Seigneur. « Nul ne peut venir à moi, si le Père qui m’a envoyé ne l’attire » (Jn 6,44) dit Jésus. Il faut donc laisser surgir cet étonnement et le partager : cela ne vient pas de nous, ce ne sont pas des préférences affectives ni idéologiques qui nous réunissent, mais bien la réalité la plus élevée, qui dépasse toute motivation seulement humaine et qui est Dieu. Nous ne sommes pas frères parce que nous l’avons voulu, mais bien parce que nous sommes fils d’un même Père. Et nous savons que nous avons aussi une mère, la Vierge Marie. On remarque ainsi que beaucoup de fraternités locales ont plaisir à prier le chapelet, au moins une dizaine, en tout cas, de se tourner vers Marie pour lui confier le chemin à parcourir ensemble et se sentir protégés par cet amour maternel qui nous encourage sans cesse à faire tout ce que nous dira son fils Jésus (cf. Jn 2,5), en qui nous sommes frères. Pour qu’une fraternité missionnaire vive, il apparaît qu’il faut un lieu stable, un jour et un heure réguliers pour se réunir, avec quelqu’un qui se sent responsable pour être là et ouvrir l’église. Chacun peut apporter ce qu’il a préparé pour la prière et on commence par s’accueillir, s’écouter les uns les autres avec ce que chacun porte en lui. Ceci est possible s’il est convenu une réelle discrétion entre les membres d’une fraternité pour que ce qui est confié de personnel dans ce cadre-là ne soit pas colporté par des bavardages inutiles à l’extérieur, lesquels ne peuvent que nuire à la confiance et à l’ambiance fraternelles. La fraternité chrétienne n’est pas repliée sur elle-même. Elle se soucie du village ou du quartier qui l’entoure, elle prie pour le Salut du monde.

Il est préférable que personne n’assume seul le rôle de réguler la vie d’une fraternité (par exemple les temps de parole ou les dérapages indiscrets ou contraires à la foi de l’Église). Deux ou trois personnes pourront assurer en bonne concertation la nécessaire coordination. Cette régulation interne permet de garder pour les situations les plus délicates le recours à l’intervention éventuelle du curé. Ce dernier n’a pas besoin de tout contrôler dans la vie de la fraternité locale.

Un prêtre est donné à l’Église pour exercer la vigilance d’un bon pasteur soucieux de la communion de tous dans l’Église. Auprès des fraternités locales, il se situe plutôt en accompagnateur qui aide à percevoir comment l’Esprit Saint les guide déjà, afin d’encourager chacun à la docilité aux motions de l’Esprit qui se manifestent. S’il y a plusieurs prêtres dans la paroisse, l’un ou l’autre peut être plus particulièrement chargé d’accompagner diverses fraternités, sans avoir besoin d’être présent très souvent.

Il existe, par ailleurs, beaucoup d’endroits où la saison estivale voit arriver des familles qui remplissent davantage nos églises. On peut ainsi encourager des fraternités missionnaires saisonnières, avec des résidents permanents qui n’ont pas toujours la capacité de se réunir toute l’année mais peuvent profiter de ces forces vives spirituelles pour vivre une expérience fraternelle au moins pendant l’été.

Enfin, l’expérience montre aussi que, si la fraternité ne se décrète pas, il faut souvent un catalyseur, un élément déclencheur pour la développer. Plusieurs fraternités locales sont nées par exemple après le passage de la Mission Zachée ou lors d’une mission paroissiale, après un événement, à l’occasion de la rénovation d’une église ou des travaux dans un presbytère. Dans certaines paroisses, de petites fraternités se sont réunies pour travailler ces dernières années les documents-questionnaires proposés par le diocèse, par exemple sur la lettre aux Ephésiens (2018-2019) ou sur l’initiative des baptisés (2019-2020). Ce dernier outil n’a pas été exploité jusqu’au bout à cause du confinement sanitaire qui a stoppé beaucoup de réunions. Le premier non plus n’a pas été utilisé partout. Il est encore temps de les reprendre. D’autres outils de réflexion seront proposés à l’avenir. Entre l’initiative des baptisés et la question des fraternités locales missionnaires, il y a une profonde continuité. On peut aussi approfondir la vie spirituelle d’une fraternité chrétienne en lisant ensemble l’encyclique Fratelli tutti (Tous frères) du pape François, sur la fraternité et l’amitié sociale.

Marcher ensemble pour devenir missionnaires (la synodalité)

Faire l’expérience de la fraternité, se savoir frères, change la nature de nos relations, entre chrétiens mais aussi avec les autres personnes. Nous prenons davantage conscience d’être une famille, la famille des baptisés, mais aussi une grande famille humaine, avec tous les autres hommes et femmes de la terre. Cela pose évidemment aussi la question de la relation entre cette conscience fraternelle et la hiérarchie de l’Église. Ce mot de hiérarchie est souvent mal compris, voire dénigré lorsqu’il évoque des relations écrasantes, des formes d’autoritarisme ou l’idée de soumission. Or, dans sa signification première, qui est aussi la signification théologique, le mot « hiérarchie » n’exprime pas une idée de domination mais une idée d’origine. Archeos, en grec, signifie l’origine. Le mot hiéros exprime l’idée de sacré. La hiérarchie est ce qui manifeste l’origine sacrée de la communauté ecclésiale. La hiérarchie dans l’Église, à savoir le sacrement de l’ordre (les évêques, les prêtres et les diacres), est ce qui rattache le peuple de Dieu à son origine sacrée, c’est-à-dire à la personne du Christ. Les ministres ordonnés sont configurés au Christ-tête, pour que son corps mystique (l’Église) apparaisse bien lié à sa tête et le soit, comme une grâce de vitalité. C’est donc le Christ qui guide et gouverne son Église par le moyen sacramentel de la hiérarchie de l’Église. Cultiver cette vision spirituelle de l’Église éloigne de tout carriérisme et de tout autoritarisme. Le sacrement de l’ordre est essentiellement un service de la fraternité entre tous les membres de l’Église (y compris ceux qui ont été ordonnés) en rendant présent sacramentellement le mystère du Père. Le lien de fraternité dans l’Église tient bon, non parce que nous serions tous de vertueux facteurs d’unité et de paix, mais il tient bon, même très étiré, parce qu’il a sa source en Dieu. Puisque nous avons un seul Père, nous sommes tous frères (cf. Mt 23,8-9). Comme le disait le pape Benoît XVI, « le pape lui-même ne peut pas faire ce qu’il veut ; au contraire, le pape est le gardien de l’obéissance au Christ, à sa parole résumée dans la regula fidei, dans le Credo de l’Église, et il doit guider dans l’obéissance au Christ et à son Église » (Audience du 26 mai 2010).

Alors, concrètement, pour que ce service de la fidélité au Christ soit vécu dans l’Église, il existe un moyen très ancien que l’on appelle le synode et, plus largement, une pratique qu’on appelle la synodalité. Littéralement synode signifie chemin parcouru ensemble. L’Église est un peuple qui avance ensemble. C’est donc tout le contraire de quelqu’un qui a une vision géniale et qui dit aux autres « suivez-moi, j’ai trouvé la bonne solution ». L’Eglise se met en route ensemble pour suivre le Christ et se rendre toujours plus docile à l’Esprit Saint. Le mot Église n’est pas très éloigné du mot synode car le mot Église signifie assemblée convoquée. Aussi, saint Jean Chrysostome écrivait-il à la fin du quatrième siècle que « L’Église est synonyme de “faire chemin ensemble” (sunodos) » (explication sur le psaume 149,1). Ce qui rend l’Église capable de vivre sa vocation de glorifier Dieu, c’est que toutes les voix chantent en harmonie du fait que les membres de l’Église ont des cœurs en mouvement qui convergent dans la même charité fraternelle (agapé) et dans le même esprit.

Le pape François, lors du cinquantième anniversaire de l’institution par saint Paul VI du synode des évêques disait que “Le chemin de la synodalité est le chemin que Dieu attend de l’Église du troisième millénaire” (Discours du 7 octobre 2015). Marcher ensemble pour se laisser saisir dans le mouvement de l’Esprit Saint et ainsi davantage coopérer avec la grâce de Dieu et être dociles à son projet, voilà le vrai chemin de la mission. C’est un chemin de conversion spirituelle, non pas une conversion individuelle, mais une expérience communautaire ou, plus exactement encore, fraternelle, de l’Esprit Saint. D’octobre 2021 à octobre 2023, le Saint-Père invite toute l’Église à faire le point sur la synodalité dans l’Église. Il propose à tous une « démarche synodale » pour développer la synodalité. Cette proposition s’articule sur trois mots-clé : communion, participation et mission. Tout commencera les 9 et 10 octobre à Rome, puis le dimanche 17 octobre dans tous les diocèses du monde par des assemblées diocésaines pour se mettre en route et ouvrir nos cœurs par un temps de réflexion et un temps de célébration, sous la présidence de chaque évêque diocésain. Je proposerai ainsi de nous retrouver dans la cathédrale de Cahors le 17 octobre 2021 de 14h00 à 17h30.

S’en suivra une phase de consultation large du peuple de Dieu d’octobre 2021 à avril 2022. Les outils de réflexion qui seront proposés pourront aussi être des moyens de stimuler la rencontre et la prière des fraternité locales missionnaires. Après cela, collectant des synthèses des réflexions du monde entier, la secrétairerie générale du synode, à Rome, élaborera un premier document de travail, avant septembre 2022 qui sera utilisé lors de réunions internationales continentales, jusqu’en mars 2023. Puis, la secrétairerie générale rédigera un second instrument de travail pour le synode des évêques à Rome d’octobre 2023. Cela peut sembler lourd, mais ce processus qui doit mettre le plus grand nombre de personnes en route devrait aider toute l’Église à prendre davantage conscience que ses membres peuvent, sur toute la surface de la terre, réellement marcher ensemble et se mettre davantage à la disposition de l’Esprit Saint pour louer Dieu notre Père. Car c’est là notre vocation éternelle : quand nous serons au ciel, le peuple fraternel de tous les rachetés chantera la louange de Dieu. Nous trouverons chacun notre bonheur à chanter Dieu à proportion de nos capacités. Celles-ci s’accroissent pendant notre vie sur la terre, dans la mesure où notre existence se recentre davantage ici-bas sur la louange du Père et sur l’amour fraternel : aimer Dieu en aimant le prochain.

Envoyés en Mission

Dans le quotidien de nos vies, la fraternité et la synodalité sont deux phares pour éclairer nos routes. Chaque fois qu’il nous est donné de progresser dans la fraternité, c’est-à-dire dans le développement d’un style de relations où nous nous reconnaissons comme fils d’un même Père, comme profondément solidaires de notre prochain, qu’il soit chrétien ou pas, nous sentons bien qu’il y a quelque chose de divin qui se manifeste dans notre existence terrestre. De même, si, dans l’Église, nous parvenons à vivre en communion de foi et de vision, si nous arrivons à participer à des projets communs, à des décisions communes, cela fait grandir la joie de tous. A l’inverse, si tout repose sur un individu isolé ou sur un petit groupe qui s’épuise et se décourage, faute de voir comment s’ouvrir davantage à l’Esprit Saint, nous sentons que la catastrophe approche. Ce n’est pas une question de bonne ou de mauvaise volonté, ni de capacités intellectuelles ni même d’esprit de prospective ou de qualités manageriales. C’est d’abord une question de confiance en l’Esprit Saint et en l’amour du Christ qui nous rend frères, pour nous envoyer en mission.

La mission de l’Église nous pousse toujours plus loin. Si nous faisons, depuis des années, toujours la même chose, avec le sentiment qu’il faut tenir absolument contre vents et marées jusqu’à ce que cela s’écroule, c’est que nous avons perdu le feu de l’Esprit Saint. Si nous transpirons dans le même service d’Église, avec le même petit groupe qui a vécu autrefois des choses exceptionnelles mais qui se rétrécit d’année en année inéluctablement comme une peau de chagrin, sans voir germer le moindre signe de renouveau, c’est que, probablement, il y a quelque chose qui s’est rétrécit, qui s’est fermé au souffle de l’Esprit Saint. Il est sûr que le contexte socio-culturel, depuis des années maintenant, ne favorise pas la croissance numérique de nos communauté chrétiennes. La réalité est que nous avons beaucoup perdu en moyens et en surface de contact. Des phénomènes culturels qui ne sont pas propres à l’Église, favorisent le repli sur soi et la baisse de l’engagement. La faible participation des citoyens à la vie politique témoigne de ce désengagement et de ce découragement de nos contemporains dans tous les domaines. Il y a aussi des causes internes à l’Église à son affaiblissement. Nous les connaissons bien ; elles peuvent se résumer en deux mots : baisses de ferveur (le fameux : à quoi bon ?) et incohérences entre ce qui est annoncé et ce qui est vécu (ou même trop souvent, scandales).

Mais une fois que nous avons regardé cela en face, avec courage, que faisons-nous ? Ne nous faut-il pas revenir au cœur de notre foi et mettre plus d’énergie à vivre l’évangile de la fraternité ? Le jour de la Pentecôte, les disciples qui s’étaient repliés au Cénacle ont commencé par prier, avec le soutient de la vierge Marie qui, sûrement, les encourageait à ne pas fermer leurs cœurs. « Faites ce qu’il vous dira » (Jn 2,5) avait-elle dit aux serviteurs des noces de Cana, elle devait sûrement redire cela aux onze apôtres apeurés à qui Jésus avait dit d’attendre l’Esprit Saint (cf. Ac 1,8). Et voilà ce qui se passe, dès que le vent de l’Esprit a secoué toute la torpeur de Jérusalem, ils sortent annoncer la résurrection de Jésus et chacun les entend dans sa propre langue. L’Esprit Saint se sert de leur parole mais agit aussi dans le cœur de chacun des auditeurs. Et ces individus sans liens entre eux qui ne parlaient pas le même langage, ces individus juxtaposés se découvrent rassemblés tout à coup par une même parole. Lors d’une journée de formation pour les Équipes d’Animation Pastorale des diocèses de Cahors et de Tulle, le 29 mai dernier, M. François Moog, laïc théologien, nous faisait remarquer qu’alors ces gens présents à Jérusalem le jour de Pentecôte ne sont plus seulement des chacun et des chacune mais aussi un nous : « chacun de nous les entend dans sa langue maternelle » (Ac 2,8). Et voilà comment est née l’Église, par une annonce missionnaire portée par l’Esprit Saint qui transforme des chacun et des chacune en un Nous qui s’émerveille des bienfaits de Dieu (cf. Ac 2,11). Si nous ne percevons plus les merveilles de Dieu dans nos vies, il est temps de prier l’Esprit Saint d’embraser à nouveau l’Église et de sortir ensuite de nos cénacles pour annoncer la joie du Salut. Et le discours de Pierre centré sur l’annonce de la résurrection de Jésus en vient à appeler spontanément « frères » (Ac 2,29) tous ces gens hétéroclites qui viennent d’être réunis par une même parole portée par l’Esprit Saint. On voit ici que la hiérarchie, incarnée par saint Pierre (que le Christ a institué au fondement de son Église), reconnaît la fraternité comme un fruit de l’Esprit Saint. Par la personne de l’apôtre Pierre, la hiérarchie encourage la fraternité et l’instruit avec enthousiasme.

L’Église-fraternité a besoin de prêtres et aussi de diacres et probablement d’autres ministres comme les catéchistes, lecteurs et acolytes que le pape François vient de mettre à l’honneur et qu’il nous faudra discerner et former, appeler et instituer le moment venu. Mais aucun d’entre eux, participant sous des modes divers à la hiérarchie apostolique, ne peut exercer seul sa mission ni sans le concours de l’ensemble des baptisés vivant en frères et animés par la même foi. Pour éviter que les prêtres soient trop seuls dans l’exercice de leur mission dans notre diocèse, j’ai demandé depuis 2017 (charte des paroisses) que tous les groupements paroissiaux se dotent d’une EAP (Équipe d’Animation Pastorale), d’un conseil pastoral et d’un conseil économique. Je souhaiterais aussi qu’il n’y ait pas trop de paroisses avec un seul prêtre, mais au moins deux, pour se soutenir, coopérer et développer une culture de la fraternité et de la synodalité à tous les niveaux. Une carte des paroisses avec des territoires plus étendus a été réfléchie en fonction de la cohérence possible des bassins de population. Dans certains lieux, la nouvelle grande paroisse est déjà érigée, dans plusieurs autres, il sera préférable de passer par l’étape de confier deux ou trois grandes paroisses à des curés « in solidum » c’est-à-dire chargés solidairement ensemble de ces paroisses, chacun ayant davantage la responsabilité de l’une d’entre elles et des tâches transversales sur l’ensemble. De même pour les autres responsables ecclésiaux, ils pourront s’entraider davantage et mettre en commun les dons reçus du Seigneur pour le bien de tous. Tout ceci doit être bien compris dans le but non de réduire la voilure, mais de faire grandir la fraternité et la culture de la synodalité, c’est-à-dire d’une Église qui n’avance pas en s’agitant dans tous les sens mais patiemment avec les autres, en acceptant les différences et les sensibilités multiples comme une richesse à découvrir et à partager. Cela demande à chacun de s’ouvrir aux autres d’accepter de bouger un peu, de ne pas en faire qu’à sa tête et de viser le bien commun plus que son confort spirituel immédiat. Sachant que le « confort spirituel » est souvent stérile, au bout d’un certain temps. La certitude d’avoir raison tout seul n’est pas vraiment la marque de l’Esprit Saint.

Plusieurs projets importants vont être déroulés durant l’année qui vient. Nous sommes tous désireux de relancer les groupes et les activités qui ont ralenti avec la pandémie. Ce redémarrage doit être une chance pour éviter de disperser nos forces en fixant comme priorités dans toutes nos actions la fraternité, l’estime mutuelle et la synodalité. La Mission de faire connaître et aimer Jésus-Christ passe sans aucun doute par ces critères fondamentaux de la vie chrétienne. Nous savons que Jésus a prié pour l’unité de ses disciples (cf. Jn 17,21-23), c’est la prière que nous pourrions redire le plus souvent possible tout au long de cette année pastorale 2021-2022 :

Que tous nos frères soient unis, comme toi, Père, tu es en ton Fils Jésus-Christ, et comme Il est en Toi, afin qu’eux aussi soient un dans la Trinité Sainte, pour que le monde croie que tu as envoyé ton Fils.

Nous te rendons grâces, Seigneur Jésus de nous offrir la gloire que t’a donnée le Père, afin que nous soyons assemblés dans l’unité comme le Père et Toi êtes UN, parfaitement UN.

Par l’Esprit reçu au baptême, nous sommes frères. Viens Esprit Saint, fais-nous avancer ensemble grâce à ton souffle missionnaire, pour que le monde sache que le Père a envoyé le Christ notre frère et qu’Il nous a aimés de cette tendresse infinie dont Il aime son Fils. Amen.

+ Mgr Laurent CAMIADE
Evêque de Cahors

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Lettre pastorale de Mgr Laurent Camiade / Juin 2021

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