Rocamadour, dimanche 13 décembre

Ouverture de la porte Sainte et Inauguration de l’itinéraire jubilaire sur le grand escalier.

Homélie prononcée par Mgr Camiade

Inauguration du jubilé de la Miséricorde
Rocamadour - 13 décembre 2015

Dans sa belle encyclique Dives et Misericordia sur la Miséricorde divine, saint Jean-Paul II donnait entre autres une superbe définition de la Miséricorde : la Miséricorde est, à ses yeux, "la fidélité absolue de Dieu à son amour" (DM n° 9).

La Miséricorde est une forme d’amour qui implique tout l’être de celui qui aime et dont le modèle est en Dieu. On peut voir, en contemplant Jésus-Christ, icône parfaite de la Miséricorde, que cette forme d’amour est une fidélité absolue de la part de Dieu, absolue parce qu’elle se prolonge même en face de l’infidélité de ceux qu’il aime, même lorsque ceux qu’il aime sont affaiblis, décevants ou défigurés. Pour Dieu personne ne devient jamais indigne d’être aimé. Son amour pour chacune de ses créatures est d’une fidélité absolue. Devenir "Miséricordieux comme le Père", selon l’invitation de notre pape François pendant ce jubilé de la Miséricorde, ce n’est pas un petit défi si nous mesurons cet absolu de l’amour de Dieu qui est le propre de la Miséricorde du Père. Il n’est possible de vivre cet absolu que si nous accueillons nous-mêmes cette miséricorde de Dieu, si nous nous laissons aimer par Dieu de cette manière absolue.

Cela ne va pas de soi. Nous avons peut-être le sentiment de n’être plus aimables, d’être trop indignes, nous pouvons être parfois déçus de nous-mêmes... Pour masquer ce sentiment profond, nous pouvons aussi être tentés de nous fabriquer une fierté trop appuyée. C’est pourtant vrai, tout n’est pas misérable dans nos vies et heureusement ! Dieu se réjouit aussi de nos succès et de nos talents, d’autant plus que c’est Lui qui nous les donne ! Mais sa Miséricorde embrasse également nos échecs et nos réussites. Nos réussites ne sont jamais que de petits germes modestes de la Gloire éternelle que Dieu veut nous donner à la fin des temps. La fidélité absolue de Dieu va jusqu’à promettre une fécondité éternelle à ces petites étoiles de notre existence falote. A l’échèle du cosmos nous sommes des poussières. Mais lorsque nous surmontons notre amour propre qui est l’anti-miséricorde, ces petits élans gratuits et généreux de nos pauvres cœurs ont une promesse d’éternité parce qu’ils s’harmonisent au diapason de la Miséricorde de Dieu.

La sainte Vierge Marie, dans son beau cantique, le Magnificat, s’émerveille de ce que "la Miséricorde [de Dieu] s’étend d’âge en âge pour ceux qui le craignent" (Lc 1,50). Or, si quelqu’un a réussi sa vie sur terre, c’est bien la Vierge Marie. Et pourtant elle se présente comme l’humble servante du Seigneur, celle qui a d’abord été bénéficiaire de la Miséricorde du Seigneur, Lequel "s’est penché sur son humble servante".

Saint Jean-Paul II dit que Marie est "celle qui connaît le plus à fond le mystère de la miséricorde divine". En effet, non seulement elle a bénéficié dès sa conception de la Miséricorde de Dieu qui l’a préservée du péché et de toutes ses séquelles, mais elle a communié d’une manière unique au mystère de la croix de son Fils. "Personne n’a expérimenté autant que la Mère du Crucifié le mystère de la croix" écrit saint Jean-Paul II. Il ajoute "Personne autant qu’elle, Marie, n’a accueilli aussi profondément dans son cœur ce mystère : mystère divin de la rédemption, qui se réalisa sur le Calvaire par la mort de son Fils, accompagnée du sacrifice de son cœur de mère, de son fiat définitif".

Cette communion intime avec la Miséricorde de Dieu qui fait que Marie comprend le plus, dans l’ordre de ce qu’il est humainement possible de comprendre, l’amour absolu

ment fidèle de Dieu pour tout homme et qui fait aussi qu’elle l’accepte, qu’elle y adhère par-delà toute la souffrance de son cœur de mère, cette communion donc de Marie avec Jésus en croix est la raison pour laquelle on l’appelle "Mater misericodiæ", la "Mère de miséricorde".

A Rocamadour, depuis plus d’un millénaire, des millions de visiteurs et de pèlerins ont fait cette expérience d’être accueillis par une mère miséricordieuse. Combien sont arrivés le cœur lourd et ont fondu en larmes ici, de se découvrir autant aimés, autant chéris d’une manière définitive quelle que soit leur misère, leur honte ou leur faiblesse ? Cette révélation de la Miséricorde de Dieu trouve en Marie un intermédiaire puissant. Saint Jean-Paul II l’écrivait magnifiquement : "Cette révélation est particulièrement fructueuse car, chez la Mère de Dieu, elle se fonde sur le tact particulier de son cœur maternel, sur sa sensibilité particulière, sur sa capacité particulière de rejoindre tous ceux qui acceptent plus facilement l’amour miséricordieux de la part d’une mère. C’est là un des grands et vivifiants mystères chrétiens, mystère très intimement lié à celui de l’Incarnation".

Tous les humains n’ont pas la même histoire, le même itinéraire psycho-affectif. Mais nombreux sont ceux qui, sur cette terre, acceptent plus facilement d’être consolés par une mère que par un père. Nombreux sont ceux qui se placent plus facilement dans une attitude d’abandon confiant et humble dans les bras de Marie. Elle qui a tout compris de la Miséricorde de Dieu en s’y associant au pied de la croix de Jésus ; elle qui a compris tout ce qu’un être humain pouvait en comprendre, n’est-elle pas la mieux placée pour nous faire découvrir à quel point Dieu nous aime d’une fidélité absolue par-delà notre insignifiance et même par-delà nos pauvres reniements de cet amour fou de Dieu pour nous ?

La Miséricorde de Dieu est source de joie. Les lectures de la liturgie de ce jour nous le rappellent. La Miséricorde est ce à quoi Dieu prend le plus de plaisir a dit le pape François dans sa catéchèse de mercredi dernier. La Miséricorde est aussi la joie de Marie dont le cœur exulte en Dieu dont la miséricorde s’étend d’âge en âge. Nous n’avons pas toujours spontanément l’idée que la Miséricorde soit source de joie. Si nous pensons à nos péchés ou à certains crimes, à la violence humaine, au terrorisme aveugle (nous ne pouvons pas oublier qu’il y a aujourd’hui un mois, ont eu lieu les attentats de Paris) ou à la mort injuste des innocents dans le ventre de leur mère... si nous pensons à tous ces actes de mort qui nécessitent le sacrifice de Jésus pour être pardonnés, cela peut nous attrister, nous faire même verser des larmes amères. Mais ces larmes sont aussi habitées par la joie de la Miséricorde divine. Car Dieu a créé l’homme pour avoir quelqu’un à aimer à la folie, jusqu’à lui pardonner ses crimes. Marie est debout au pied de la croix de son fils parce qu’elle connaît cette Miséricorde divine, plus forte que le péché et l’injustice humaine et elle en connaît aussi la joie : Dieu se réjouit de nous faire Miséricorde.

En sortant de ce sanctuaire, nous ne pouvons jamais repartir comme avant. Nous sommes à chaque fois plongés dans un bain de Miséricorde et le grand jubilé voulu par le pape François nous encourage à laisser cette grâce se déployer en nous autant que Dieu voudra. De cette manière, nous serons davantage portés à aller nous aussi vers les pauvres, les opprimés, les prisonniers, les immigrants, les aveugles et les pécheurs ; à supporter ceux qui nous ennuient et à pardonner à ceux qui nous ont blessés. Nous ne pourrons pas prétendre que tout homme est aimé d’un amour fidèle et absolu si nous restons nous-mêmes indifférents à l’un ou l’autre de nos frères. Ainsi, notre cœur doit-il s’ouvrir et devenir aussi un canal pour que se répande la joie de la Miséricorde divine dans le monde qui nous entoure.

Après Pâques 2016, va débuter la Mission Zachée, au départ de Rocamadour. Cette Mission a pour objectif de manifester notre désir de répandre partout la bonne nouvelle de

l’amour de Dieu, le joie de la Miséricorde. Dans le contexte de violence et de durcissement des cœurs que vit notre monde, cette bonne nouvelle et cette joie sont plus que jamais urgentes. J’espère que nombreux seront les pèlerins-missionnaires qui vont accompagner la Vierge Marie dans cette joyeuse mission de paix. La Vierge, hissée sur le dos des 8 ânes prévus pour arpenter les 8 chemins du pèlerinage à la rencontre de tous les villages du Lot, apportera à tous la tendresse de son témoignage unique envers l’infinie miséricorde du Père : Dieu met sa joie à nous faire Miséricorde !

Amen.

Les superbes photos sont signées Patrick Resongles

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