3° dimanche de Pâques

Homélie de Mgr Laurent Camiade.

Chacune des lectures de la messe de ce 3° dimanche de Pâques nous met en présence de l’Apôtre saint Pierre.

Ces textes nous apprennent ainsi comment Dieu veut que nous croyions en Jésus Ressuscité, comment il veut que nous le connaissions et que nous le rencontrions. Dieu veut faire connaître la bonne nouvelle du salut par son Église, bâtie sur la foi de l’Apôtre Pierre. Ce projet de Dieu n’a aucune ambition triomphaliste car, s’il avait voulu manifester à tous les hommes son triomphe sur la mort, Jésus Ressuscité serait toujours visible d’une manière ou d’une autre. Mais il n’a pas fait cela, il est apparu à quelques femmes, puis à Pierre et aux autres Apôtres ; l’évangile d’aujourd’hui raconte le récit des disciples d’Emmaüs, mais ceux-ci n’étaient que deux… En retournant à Jérusalem, ils retrouvent la toute première communauté des onze Apôtres et de leurs compagnons et ceux-ci leur disent : « Le Seigneur est réellement ressuscité : il est apparu à Simon-Pierre ». Après seulement, les disciples d’Emmaüs racontent tout joyeux leur rencontre avec Jésus, sur la route. On voit que l’apparition à Simon-Pierre a été déterminante pour cristalliser la foi de la toute première communauté de l’Église.

Ce que change la résurrection, c’est qu’elle manifeste la matérialité du corps de Jésus Ressuscité, même si c’est une matérialité nouvelle et inconnue pour nous puisqu’elle n’est pas liée aux contraintes des corps physiques que nous connaissons car elle transcende le temps et l’espace. Ce corps ressuscité peut néanmoins parler, marcher avec Cléophas et son compagnon vers Emmaüs, manger avec eux ou faire cuire des poissons pour Pierre, inviter Thomas à toucher ses plaies. Or, ce corps qui n’a pas connu la corruption et que la mort a été obligée de laisser échapper de son pouvoir, comme dira Pierre dans son discours de la Pentecôte, ce corps ressuscité a été élevé par la droite de Dieu il reçoit et répand l’Esprit Saint sur les Apôtres.

Désormais, ce corps a donc trouvé un lieu dans le monde spirituel, dans la réalité invisible qui est auprès de Dieu. Et c’est dans ce lieu du corps de Jésus que nous pouvons nous aussi espérer un jour trouver place avec un corps ressuscité, dans un lieu tout à fait autre que les lieux du cosmos que nous connaissons mais qui existe « par lui, avec lui et en lui ». « Dieu l’a ressuscité d’entre les morts et lui a donné la gloire ; ainsi vous mettez votre foi et votre espérance en Dieu » dit Pierre dans sa première épître (2° lecture).

L’Église édifiée sur la foi de Pierre et des témoins de la résurrection, est déjà, ici-bas, ce corps mystique du Christ qui a été élevé par la droite de Dieu. Tout au long de son histoire, elle vit déjà de l’Esprit Saint. Mais, nous le savons, cela se réalise de façon ambigüe sur cette terre, avec toute la fragilité humaine et les moments de fragilisation de l’Église qui, à l’image de l’histoire du Peuple de Dieu que la bible nous raconte, est régulièrement réduite à un petit reste, à cause du péché de ses membres ou des persécutions extérieures qui sont, pour le peuple de Dieu, des moyens de purification, de conversion, de retour à Dieu. Les péchés de ceux qui ont été ordonnés pour continuer le ministère des apôtres sont particulièrement nocifs pour le témoignage de l’Église car, en plus du mal objectif qu’ils font à leurs victimes, ils brouillent sérieusement le message et ferment l’accès au Royaume de Dieu à ceux qui voudraient y entrer (cf. Mt 23,13).

Nous traversons une période inédite où nos églises, déjà bien peu triomphales ces dernières décennies, doivent rester vides, pendant que toute la société des hommes, éprouvée par la pandémie actuelle s’interroge. Quelle est notre responsabilité ? Comment en sortir ? Quels comportements vertueux adopter ? Comment nous relèverons-nous ? L’Église partage tous ces questionnements, non seulement parce qu’elle les comprend mais parce qu’elle les vit de l’intérieur, à partir même de sa frustration d’être privée du culte public.

Lors de sa bénédiction urbi et orbi du 27 mars, il y aura demain un mois, le successeur de saint Pierre a manifesté cela en restant devant le parvis vide et sous la pluie de la basilique Saint-Pierre. Il n’est pas lui-même entré dans la basilique et il nous a bénis de l’extérieur. L’Église solidement édifiée par le Christ sur Pierre (cf. Mt 16,18) se présente comme hors d’elle-même. Le message du successeur de Pierre, a été résumé très simplement le mercredi saint : « En ces jours, tous en quarantaine et à la maison, enfermés, prenons ces deux choses dans nos mains : le crucifix, pour le regarder ; et ouvrons l’Évangile » (catéchèse du 8 avril 2020).

Nous pouvons admirer dans cette formule, la fidélité totale du pape François au message de saint Pierre le jour de la Pentecôte (notre première lecture de ce dimanche) : « Jésus le Nazaréen, homme que Dieu a accrédité auprès de vous en accomplissant par lui des miracles (…), livré selon le dessein de Dieu, vous l’avez supprimé en le clouant sur le bois » (cf. Ac 2,22-23) : autrement dit, prenez le crucifix et regardez-le, regardez ce que vous avez fait de lui. Puis : « Mais Dieu l’a ressuscité »… c’est ce qu’annonçaient les Écritures et il cite le psaume 16 et ajoute « nous en sommes témoins » ! (cf. Ac 2,24-32) : autrement dit, ouvrons l’Évangile, le livre de la Bonne Nouvelle de la venue de Jésus au milieu de nous et de sa résurrection qui nous ouvre l’accès au monde de Dieu pour l’éternité.

Sans doute notre « sur-modernité » s’est-elle éloignée de plus en plus vite de ses racines chrétiennes. Mais les moyens de les redécouvrir restent accessibles à tous : le crucifix et l’Évangile, dans la fidélité à la foi de saint Pierre. Cela demande de reconnaître que nous nous sommes égarés et se fier avec un regard neuf à la boussole de notre espérance. C’est à la portée de tous. Il suffit de le faire : regarder la croix, ouvrir l’évangile.

Nous ne nous en sortirons, comme société, comme monde, comme familles, comme Église qu’en prenant le crucifix dans nos mains pour le regarder et réaliser par quel amour nous sommes rejoints et à quel point nous demeurons complices et coupables des maux qui affaiblissent notre monde, et d’autre part en prenant l’Évangile dans nos mains pour l’ouvrir, le lire, le méditer, et laisser l’Esprit Saint qui a rempli de joie et d’espérance les Apôtres nous saisir à notre tour, nous purifier et nous libérer de tout mal pour devenir nous-mêmes des témoins enthousiastes de la foi.

Christ est ressuscité. Alleluia !

Mgr Laurent Camiade
évêque de Cahors

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