Bienheureux Antoine Auriel-Constant

Il a été béatifié le 1er octobre 1995 avec 64 autres prêtres et religieux, ses compagnons martyrs des pontons de Rochefort par le pape Jean-Paul II.

L’abbé Paul Boisset (1917-2006), ancien curé de Lamothe-Fénelon, poète, compositeur, chanteur, et biographe du bienheureux Antoine Auriel-Constant (1764-1794).

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Les pontons de Rochefort

Plusieurs prêtres du Lot ont donné leur vie par le martyr. Le premier saint de Chine est Jean-Gabriel Perboyre, né à Montgesty prés de Catus en 1802. Parti missionnaire en Asie, il refusera de renier sa foi et après des tortures, mourra par strangulation le 11 septembre 1840. Il sera canonisé par le pape Jean Paul II en 1996. Avant lui, les prêtres persécutés sous la Terreur, en 1794, à la fin de la Révolution française.

LES PRÊTRES RÉFRACTAIRES LORS DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
Antoine Auriel Constant est de ceux-là. Né à Manobre (dépendant alors de Fajoles, diocèse de Cahors) le 19 avril 1764, il est l’ainé de sept enfants d’une famille rurale implantée dans le Nord de la Bouriane depuis plusieurs générations. Dés le lendemain, il est baptisé à l’église de Fajoles, par son oncle, l’abbé Lespinasse, curé de la paroisse. Lequel tiendra une grande place dans la vie d’Antoine. Après des études de théologie au grand séminaire de Cahors, il est ordonné prêtre du diocèse le 29 novembre 1790. Quelques semaines avant le décret de l’Assemblée nationale du 26 décembre 1790, imposant au clergé de prêter le serment constitutionnel, tendant à séparer de Rome l’Église de France. Les membres du clergé qui approuvent deviennent des prêtres constitutionnels. Selon Mirabeau "Le service des autels est une fonction publique. La religion appartient à tous. Il faut que ses ministres soient à la solde de la nation". Après son ordination, Antoine revient quelque temps dans sa famille dans le Gourdonnais. N’étant pas encore "fonctionnaire public", il n’est pas soumis à prêter serment, même s’il assure quelque ministère auprès de son oncle à Fajoles et dans les environs. Mais voilà que son village change de paroisse, il devient annexe de Calviac (actuellement en Dordogne). Ainsi devient-il vicaire du curé de Calviac, payé officiellement au traitement de 700 livres annuelles. Jusqu’au 28 avril 1792, date à laquelle il est arrêté, accusé d’avoir imparti la bénédiction nuptiale à deux citoyens déjà mariés par le curé constitutionnel de Carsac.
Le lendemain, il est présenté à la Maison de Justice de Périgueux, "escorté de trois gendarmes nationaux" qui le décrivent sur le registre comme un homme "au physique mince et pointu, aux cheveux châtain" : Les seules indications que nous ayons de son portrait.
Considérant que "le délit n’est pas mérité", le jeune pasteur est relâché par le Tribunal et revient à Calviac. Le 10 novembre 1793, il doit se présenter, à nouveau, avec d’autres prêtres, à Périgueux pour ne pas avoir signé le serment constitutionnel. Devenant prêtre réfractaire, il est considéré comme suspect, devant rester "à disposition de la justice pour arrestation, embarquement et déportation"

MARTYRISÉ DURANT LA TERREUR
Et le 11 décembre 1793, avec une cinquantaine de prêtres, il est convoyé à pied, de gendarmerie en gendarmerie, de Périgueux à Rochefort. Ils sont ainsi, quelques 1 400 prêtres venus du Grand Sud Ouest, acheminés vers les grands ports de l’Atlantique, destinés à être déportés en Guyane. Les conditions de voyage sont pénibles : ils sont parfois pris en pitié mais très souvent livrés à la population, hués, humiliés, menacés de mort. Avec Auriel-Constant, ils sont 829, à entrer à Rochefort. Cette ville révolutionnaire a les prisons pleines. Le Ministre de la Marine ordonne le transfert des prisonniers sur la Charente, sur deux anciens vaisseaux "négriers", ayant servi pour la traite des Noirs et le transport du charbon, les "pontons" (bateaux démâtés, à fond plat).

DÉPORTÉ SUR UN PONTON DANS LA BAIE DE ROCHEFORT
L’embarquement d’Auriel-Constant a lieu le 25 mars 1794 à bord du ponton "Les Deux Associés". Mais pour les prêtres, les conditions sont encore plus affreuses qu’elles ne l’étaient pour les esclaves, car il ne s’agit plus seulement de "marchandise" humaine à conserver mais d’ennemis à éliminer.
"Ces hommes étaient rayés du Livre de la République. On m’avait demandé de les faire mourir sans bruit.…", écrira Laly, le très jeune capitaine du navire. Lequel conduira le ponton jusqu’à l’estuaire de la Charente entre les îles d’Aix et Madame. Car, la destination vers la Guyane, personne ne l’envisage plus, parce qu’avec le blocus des côtes par les Anglais, c’est impossible. On se contente donc de jeter l’ancre dans la baie de Rochefort et c’est là que resteront les deux pontons. Un long calvaire pour les prêtres réfractaires. Dans un entrepont de quarante places, quatre cents prêtres sont entassés. Ils doivent rester allongés sur le côté sans pouvoir se soulever. Ils sont enfermés douze heures par jour, agonisants, l’air est irrespirable. Le matin pour désinfecter les lieux, les matelots apportent un tonneau de goudron. Il se dégage une odeur nauséabonde et une fumée étouffante. Le jour pendant des heures, ils doivent rester debout, à l’avant du navire, sous le vent, le soleil, la pluie. Et dorment à même sur les planches du navire.

"C’ÉTAIT UN HOMME TRÈS AIMABLE SE SACRIFIANT POUR SES FRÈRES"
A cela s’ajoute les brimades de l’équipage qui fait subir maintes tortures aux prisonniers. Il est impossible de célébrer la messe. C’est en vain que les persécuteurs les empêchent d’adresser publiquement des prières. Ces prêtres étonnent leurs bourreaux par leur sérénité, leur patience, voire leur joie. L’un d’eux, l’abbé Sébastien qui survivra, écrit : "Nous étions les plus malheureux des hommes et les plus heureux des chrétiens". Au fil des semaines, les conditions à bord se dégradent à cause des conditions de vie "excédés de travaux, mourant de faim, à demi-nus, ayant la mort sans cesse devant les yeux" et par l’arrivée de nombreuses maladies : gale, scorbut, dysenteries. Pour essayer de circonscrire la contamination, on amarre à côté des navires, deux chaloupes qui servent d’hôpital. On y met les malades les plus atteints, les prêtres volontaires servant d’infirmiers. C’est dans cet emploi qu’Auriel va se distinguer. Là nous ne pouvons que reproduire la notice qu’un autre prêtre, l’abbé Labiche (de Limoges) lui consacre : "Constant, du diocèse de Cahors fût l’un des premiers qui donna l’exemple de se sacrifier pour ses frères dans le périlleux emploi d’infirmier. Nous le regrettâmes unanimement. C’était un très aimable homme, doué d’un cœur sensible et d’une belle âme. Son extérieur tout seul prévenait singulièrement en sa faveur". En juin, survint une nouvelle épidémie de choléra et de typhus. Le 16 juin 1794, Antoine Auriel décède.
Il sera enterré à l’île d’Aix.

LE SILENCE EST UN MESSAGE DE TOLÉRANCE TRÈS FORT
En 1910 a lieu le premier pèlerinage sur l’île Madame, en l’honneur des prêtres déportés des pontons, à la demande de l’évêque de La Rochelle. Chaque août, le pèlerin qui maintenant vient en nombre peut déposer un galet sur la lande (pour construire des croix) et prier.
Valentin, 25 ans, est de ceux-la. "L’’histoire de ces prêtres oubliés est un moment d’émotion. Le bilan a été lourd. Sur 829 prêtres arrivés, il y eut 547 morts. Les rescapés ont fait entre eux, le serment de taire leurs souffrances vécues sur ces navires-prisons pour ne pas attiser les haines, ne pas raviver les tensions. C’est un message de tolérance très fort" insiste le jeune homme.
Soixante-quatre d’entre-eux, (pour lesquels sont restés des témoignages) seront béatifiés le 1er octobre 1995, par le pape Jean Paul II. Parmi lesquels, le Lotois Antoine Auriel-Constant.

André Décup

PS : Un autre prêtre du Lot, Géraud Pébeyre, né au Roc prés de Souillac, vicaire à Boissiéres, embarqué lui aussi sur "Les Deux Associés" est mort martyr le 20 aout 1794 dans la baie de Rochefort.

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