L’Eglise du Lot face à la pédocriminalité

Faut-il en parler ou non ? Faut-il traiter de la crise des abus sexuels qui secoue l’Église catholique ? Si oui, comment aborder ce sujet douloureux qui suscite désarroi, tristesse ou colère ? La presse chrétienne est confrontée à un vrai dilemme, prise entre le marteau et l’enclume. D’un côté les catholiques sont bousculés par cette crise mais de l’autre, ils ne veulent pas remettre en cause l’institution dont ils font partie. Partagés entre la volonté de ne pas en rajouter, certains préfèrent éluder le sujet. Le diocèse de Cahors a choisi de l’aborder par souci d’information d’abord et pour dire, sans remuer le couteau dans la plaie, ce que fait l’Église sur le terrain, pour la prévention par exemple.

En suivant la démarche du président de la Conférence des Évêques de France Mgr de Moulins-Beaufort, qui lui-même, en mai dernier, loin de minimiser les affaires, a salué la nécessité de l’information et de la médiatisation : « Il faut se réjouir que toutes ces affaires sortent, a-t-il affirmé devant la Commission du Sénat. Un pas important est de convaincre tout le monde de l’importance du sujet. Les médias rendent un grand service. Ils permettent à beaucoup de gens qui ne voulaient pas voir les choses en face, ce qu’est une agression sexuelle et quelles en sont les conséquences » a poursuivi l’archevêque de Reims.

« Protéger les petits »

Si, depuis quelques années, des affaires de pédophilie se trouvent sous les feux de l’actualité, la France est atteinte comme d’autres pays et l’Église est atteinte comme d’autres institutions. Depuis 2001, de nombreux efforts ont été faits afin de lutter contre les abus sexuels en son sein, au niveau des sanctions, de l’écoute des victimes et de la formation. Parmi ce qui a été fait, notons la création en France, de 80 cellules d’écoute diocésaines (dont celle de Cahors).

Le 24 février 2019, le pape François en conclusion du sommet sur la protection des mineurs dans l’Église, a réaffirmé dans son discours, sa volonté « de protéger les petits des loups avides ». Il a redit sa détermination de prendre au sérieux la voix des victimes : « Nous avons le devoir d’écouter attentivement ce cri silencieux étouffé ». Sans jamais atténuer la responsabilité des clercs, le pape a souligné que « nous sommes devant un problème universel qui malheureusement existe partout » mais aussi que les abus de pouvoir sur les enfants prennent bien d’autres formes : « les enfants-soldats, les mineurs prostitués, les enfants sous-alimentés, les enfants enlevés et souvent victimes du monstrueux commerce d’organes humains ou transformés en esclaves, les enfants victimes de guerres, les enfants réfugiés, les enfants avortés ».

L’Eglise Catholique est la première instance officielle à s’engager aussi fermement contre la pédophilie

Curieuse image qui donne l’impression que seule l’Église a péché et uniquement dans la société dite occidentale. L’Église, en France, s’engage dès les années 2000, à lutter de façon claire contre la pédophilie. Elle n’hésite plus à judiciariser les affaires, au plan civil et canonique (en interne).

L’Église a besoin de cet engagement pour poursuivre son propre travail de purification et de prendre des mesures. Mesures pénales, prise en compte des victimes, amélioration des formations dans les séminaires. Même si les mesures prises n’ont pas encore permis d’en finir avec le phénomène, la réforme passe par une implication plus grande des laïcs, une meilleure reconnaissance des femmes, une remise à plat du lien entre autorité spirituelle du prêtre et pouvoir sur les consciences.

Mgr Camiade, avec son conseil épiscopal, a souhaité organiser des séances de prévention contre la pédocriminalité, animées par Mme Ségolaine Moog, les 22 et 23 mai 2019, pour les membres de l’enseignement catholique, les catéchistes et animateurs de jeunes et pour les prêtres. Ces trois temps de travail ont été adaptés à chaque public et suivis avec grand intérêt par tous les participants.

Rencontre avec Mme Artigas et les enseignantes de l’école Saint Gabriel de Cahors qui ont assisté à l’une de ces rencontres, le 22 mai 2019 à Cahors.

Vous sentez vous concernée par la lutte contre la pédophilie ?
Mme Artigas : Oui. Chargées de l’éducation, nous devons être clairvoyantes. L’une de nos préoccupations est le bien des enfants. Trop de familles sont séparées, éclatées et l’univers des enfants est de plus en plus compliqué. Nous sommes souvent des référents stables pour eux. Restons l’adulte sur lequel ils peuvent compter.

En tant que responsable de jeunes mineurs, est-ce une préoccupation majeure de votre vie professionnelle ?
Mme Artigas : Bien sûr. Il faut absolument éviter le silence et tout son poids autour de telles situations. Si l’on ne dit rien, on devient complice. Il ne faut pas, pour quelques raisons que ce soient, être bloquées, même s’il est difficile d’imaginer de tels faits de la part d’un collègue, même si l’on peut avoir peur pour la réputation de l’établissement.

Pour lutter contre ce fléau, que proposeriez-vous de concret dans le domaine qui est le vôtre ?
Mme Artigas : Redire sans cesse les interdits tout au long de la scolarité. Respecter et écouter les enfants qui nous sont confiés. Tout mettre en œuvre pour que les auteurs de tels faits se livrent. Parfois les enfants parlent et on ne sait pas les entendre. Nous devons rester vigilantes.

Propos recueillis par André Décup


 Pour contacter la cellule d’écoute du Lot, vous pouvez :

  • Écrire à : Cellule d’accueil et d’écoute – Évêché, 73, Cours de la Chartreuse 46000 CAHORS
  • Envoyer un mail à : celluledecoute@diocesedecahors.fr
    Vous pourrez être reçu(e) dans un lieu respectant la confidentialité des échanges.

 Renseignements/articles sur le site du diocèse de Cahors :
https://www.cahors.catholique.fr/eglise-pratique/pedophilie-cellule-d-ecoute-du-lot/

 Conférence des évêques de France : http://luttercontrelapedophilie.catholique.fr

 Adresse mail nationale : paroledevictimes@cef.fr

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